Dans son livre "Petites mythologies belges" paru en 2009 aux éditions Les Impressions Nouvelles, le professeur Jean-Marie Klinkenberg s'interroge sur la culture belge sans vouloir prendre position pour ou contre l'unité de la Belgique. En voici trois paragraphes :
"Cette Frise lointaine, où m'emmenaient des parents, sans doute écolos avant le mot, avait beau avoir des plages grises bordées de dunes, être peuplée des mêmes mouettes, çà comptait pour du poivre. Il y manquait les pavés sarreguemines de la digue, les cerfs-volants, les chars à voile, les hauts-parleurs et les cordons de Villa Monique qui faisait d'une mer LA Mer. Car aller "à la mer", sans autre déterminatif, ce n'était pas aller vers des improbables méditerranées, ni vers la mer qui cesse un peu d'être du nord quand elle est de France ou de Hollande. Non, aller à la mer, c'était se poser sur cette terre bien peu maritime, de sable et de coquillages, qui était toute la Belgique. Aller à la mer, c'était vivre son pays" (p. 10-11)
"Le Belge est à la mode parce que c'est un anti-héros. Comme le Chti. Dans un univers impitoyable, géré par les battants, où chacun est en quête de performance, la force d'inertie que les Gaston Lagaffe opposent à la bourrasque a quelque chose de réconfortant. Car oui, c'est épuisant d'être un héros, et plus encore de le rester. Un boulot de chaque instant : on n'a pas le droit d'avoir les cheveux gras ou de rater une marche. Et c'est là que le Belge intervient. Petit. Confortable. Apaisant. Occupé à se moquer de lui, il ne met personne en péril. Ne fait pas le malin. Un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Les peuples à identité solide doivent parfois forcer pour maintenir la posture et la mimique. Et la crampe guette. Le Belge, aux identités floues, est là en face, et leur donne la permission de se relâcher. Le contempler est reposant : on n'est pas fondamentalement remis en question par lui ; il ne vous convoque pas sur le ring" (p. 93-94)
"La cuisine est l'âme d'une collectivité. Ergo, dans la mesure où c'est à la Côte que palpite ce que subsiste de l'âme belge, le hardi explorateur devra fatalement découvrir sur ce terrain ce qui est le plus propre aux peuples : une cuisine. Et de fait. Fleurons de cet art côtier : la tomate-crevette, qui marie Mer du Nord et Méditerranée, la paronomastique croquette-crevette qui consacre la fusion intime des deux règnes du vivant, les frites (toujours les frites...) qu'on ramène de chez Tante Mieke dans une soupière, les pistolets qu'un aventureux représentant de chaque tribu va chercher le matin, les babeluttes, les fruits de mer en chocolat (toujours le chocolat...). Une cuisine qui intègre et subsume la totalité des essences nationales (ah! le mariage d'amour de la gaufre de Bruxelles et de la gaufre liégeoise!). Et dans sa cuisine, cette culture a élaboré des échelles de légitimité et de qualité qui créent la connivence en même temps qu'elles rétablissent les distinctions là où les vacances pourraient d'aventure les estomper : une gaufre oui, mais de Moeder Siska ; une glace allez, mais de chez Verdonck ; un verre d'accord, mais un Pimm's. Parce que la nourriture, comme la langue, classe et déclasse" (p. 125-126)
samedi 15 août 2009
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5 commentaires:
Ca me rappelle mon enfance où on allait en vacances à la mer et où on épluchait des crevettes!
Ah nostalgie!
J'ai toujours autant de problèmes pour laisser un com chez toi. A chaque fois, je dois recréer un compte google car mon mot de passe est incorrect.
Quelque chose ne fonctionne pas mais quoi?
Oui, "aller à la mer" , locution tellement belge.
On va aussi "à la porte" ou "à la cour" ....
Michel Jonasz dit : " on allait au bord de la mer".
Parce qu'il n'y en a pas qu'une en France.
Alors, la culture "belge".....
Comme la culture bretonne (les cultures bretonnes), comme la culture savoyarde, comme la culture alsacienne, comme la culture corse, la provençale (les provençales), la normande, la girondine .....
Pas de problème pour intéger cette "culture belge" le plus vite possible à ce qu'on appelle (en résumé) la culture française.
Ne vous en déplaise, culturellement, je me sens plus proche de ce Breton, de cet Alsacien, de ce Provençal que de ce Flamand.
N'en déplaise aux crevettes grises qu'on peut aussi décortiquer en Normandie.
Jean-Marie Klinkenberg est Verviétois, comme moi, cocorico! Et comme il a raison de toucher de sa baguette magique ces petites zones, ces petits instants, ces souvenirs grandioses de ce qui fait l'essence de notre Belgique, de celle de tous les Belges qui y ont grandi.
AAAHHH,NOSTALGIE QUAND TU NOUS TIENS...
Tous ces lieux de notre enfance, le temps de l'insousciance de notre enfance, ces noms, Verdonck,Siska ou encore la camionette DAF et sa cloche qui annonçait la tournée de la "Soupe SESIER", tous le monde se souvient de cette époque, où la digue possédait encore quelques villas de la "Belle Epoque", hélas remplacées par de sinistres cages à touristes, les célèbres chars à voiles, encore en bois dans les années 60, les cuistax, tout çà, c'est du passé, les "Verdonck" n'ont plus l'affaire de famille, les vraies crevettes grises de la mer du Nord, qu'on pêchait soi même en trainant le filet à marée basse et qu'on cuisait illico, remplacées par de sinistres barquettes toutes épluchées dans les régions du Magrebh, les vrais pêcheurs se faisant rare, même les pistolets au si bon goût se font rare.
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