samedi 18 avril 2009

Carte blanche de Philippe Hiligsmann ("La Libre Belgique")

Carte blanche publiée dans le journal "La Libre Belgique" du vendredi 17 avril 2009 :

Pour trouver un emploi en Belgique, les francophones doivent plus que jamais avoir une bonne maîtrise du néerlandais : telle est l'une des conclusions du symposium "Met Nederlands aan de slag/ Au travail en néerlandais", lors duquel différents acteurs politiques et experts ont débattu de l'importance de la maîtrise du néerlandais au sein du marché du travail. Il est urgent de taper - à nouveau et de façon répétée - sur ce clou, en espérant que celui-ci finisse par s'enfoncer!

Ces dernières années, je suis en effet de plus en plus souvent confronté à des jeunes diplômés qui - parfois en dépit des conseils prodigués par leurs parents, professeurs ou amis, mais surtout en dépit des résultats de toutes les enquêtes menées par des universitaires et par les acteurs du marché de l'emploi (dont la FEB et l'UWE) - ont délaissé ou laissé tomber l'apprentissage du néerlandais durant leurs études secondaires ou supérieures. Ils s'en mordent très vite les doigts dès la fin de leurs études, lorsqu'ils prennent conscience que c'est, très souvent, la maîtrise suffisante de la langue du premier marché économique de la Wallonie qui procure à leur diplôme - fût-il de haut niveau - sa véritable valeur ajoutée. Et le premier marché économique de la Wallonie, ce n'est ni la Chine, ni l'Espagne, ni les Etats-Unis, ni l'Italie, ni le Royaume-Uni, mais...la Flandre. Faire fi de cette réalité équivaut à se voiler la face et surtout à ne pas donner aux futurs employés et travailleurs qui se trouvent actuellement sur les bancs de nos écoles, hautes écoles et universités les compétences en langues étrangères qui détermineront leur insertion à la fois professionnelle et sociale.

Malgré toutes les enquêtes qui montrent donc clairement qu'en Belgique le néerlandais est un atout indispensable en vue de l'employabilité et malgré le succès croissant de l'enseignement en immersion en Wallonie, le manque de francophones bilingues néerlandais-français sur le marché de l'emploi est criant, que ce soit dans le secteur privé ou dans l'enseignement où la pénurie d'enseignants de néerlandais est de plus en plus préoccupante. Par ailleurs, on constate que le néerlandais est de moins en moins souvent choisi comme première langue étrangère dans l'enseignement secondaire. Alors qu'au début du siècle, environ 61% des élèves de première année secondaire en région wallone choisissaient le néerlandais comme première langue étrangère (contre 36,9% pour l'anglais), durant l'année scolaire 2006-2007, ce pourcentage n'était déjà plus que de 48,5% (contre 49,1% pour l'anglais).

Quant aux chiffres concernant l'enseignement supérieur non universitaire (publiés par Philippe Anckaert et Dany Etienne), ils sont particulièrement accablants : sur environ 700 possibilités de formations en communauté française, 51% n'offrent aucun cours de langue et seulement 11% d'entre elles imposent des cours de néerlandais. Dans le paramédical, moins de 2% des écoles supérieures imposent le néerlandais alors que la connaissance du néerlandais est obligatoire dans les institutions hospitalières de la région bruxelloise. De plus, lorsqu'un cours de langue est proposé, le poids de celui-ci dans la formation est par trop souvent marginal, ce qui n'incite guère les étudiants à y consacrer le temps et l'énergie nécessaires.

Si nous voulons éviter que les générations futures de jeunes francophones glissent vers la sous-qualification - ou le cas échéant - voient se fermer les portes de l'emploi stable en Belgique, il faut non seulement remettre le néerlandais à l'honneur, encourager les échanges d'étudiants vers la communauté flamande, mais également rendre le néerlandais obligatoire dans les filières d'études dont les débouchés requièrent une bonne maîtrise de cette langue (p.ex. dans le paramédical et dans les filières pédagogiques). Nous donnerions ainsi aux jeunes francophones toutes les chances de bien maîtriser - outre leur langue maternelle et l'anglais qui reste bien sûr un must - la langue de pas moins de six millions de compatriotes.

Pour leur part, les jeunes (et leurs parents?) doivent prendre véritablement conscience du fait que "se donner la peine d'apprendre la langue du voisin - plutôt que de trouver naturel que lui apprenne la nôtre, ô combien supérieure - n'a rien d'un passe-temps minable ou futile : c'est un effort qui honore et enrichit celui qui le consent, et une condition cruciale pour améliorer la compréhension, instaurer la confiance et exprimer le respect" (Philippe Van Parijs, UCL). Si les jeunes, les (hautes) écoles et universités ont un rôle à jouer, il en va - bien évidemment - de même pour la communauté française, en particulier les ministres de l'enseignement obligatoires et de l'enseignement supérieur, qui devraient impulser une politique volontariste en la matière. Les générations futures de jeunes francophones leur en sauront gré. Alors, mettons-nous tous sans plus tarder au travail...en néerlandais!

Philippe Hiligsmann, professeur de langue et linguistique néerlandaises, directeur des programmes de langues et littératures modernes et de communication multilingue à l'UCL.

1 commentaire:

Alain a dit…

Bonjour Petit belge, juste pour dire un p'tit truc.
Je travaille en Flandre mais j'aurais bien voulu savoir un peu plus en flamand, donc comme les grandes entreprises doivent consacré 1,07% de la masse salariale en formation, j'ai demandé une formation en flamand, ben c'est toujours pas accorder, bizarre hein, ou alors faut apprendre le flamand en Wallonnie ???
Amitié.