Pour mettre du baume au cœur de l'opinion belge qui en a bien besoin, les Alliés ont alors recours à une solution qui n'avait jamais servi jusque là : les Jeux Olympiques. Ressuscités en grande pompe par le baron de Coubertin en 1896, les jeux olympiques modernes s'étaient maintenus tant bien que mal à Paris (1900) mais avaient sombré dans le ridicule à la foire commerciale de Saint-Louis dans le Missouri (1904), et entraient progressivement dans l'oubli. L'idée était donc de leur rendre tout leur lustre en les associant à la victoire et en faisant profiter la Belgique de l'opération. Certes, à l'annulation des Jeux Olympiques de 1916, prévus à Berlin, c'est Budapest qui avait été choisi pour organiser les VIIèmes jeux. Mais qu'à cela ne tienne. En avril 1919, le Comité Olympique change unanimement d'avis et désigne Anvers. Pourquoi Anvers plutôt que Bruxelles ou Liège? Parce qu'en ces temps d'aviation balbutiante, la ville disposait d'un des ports les mieux desservis au monde. Lyon, Amsterdam, Philadelphie, Cleveland, Atlanta et même La Havane avaient également fait acte de candidature et s'étaient sans doute mieux préparés pour un tel événement. Mais on n'en avait pas tenu compte. Il fallait impérativement que la Belgique obtient un lot de consolation et les autorités olympiques s'étaient exécutées.
Elles ne devaient pas le regretter. Dès le choix d'Anvers entériné, le comte de Baillet-Latour, président du Comité Olympique Belge, fait merveille. Les habitants de la ville sont pratiquement réquisitionnés pour aménager le stade de Beerschot, préparer l'accueil des visiteurs et loger les 2.626 athlètes sélectionnés, dont 65 femmes. Car, malgré les restrictions de l'après-guerre, l'exclusion de l'Allemagne et de l'Autriche, et le boycott de l'Union Soviétique (méprisant cette "manifestation petite-bourgeoise"), 29 nations ont tenu à s'inscrire, soit deux fois plus qu'aux Jeux Olympiques de Stockholm de 1912, dont pour la première fois le Brésil et la Nouvelle-Zélande. A l'ouverture, le 20 août 1920, tout est prêt.
Il n'y a pas encore de flamme olympique - la cérémonie sera inaugurée à Amsterdam en 1928 - mais pour la première fois, Victor Boin, un sportif belge très populaire, médaillé en hockey, en water-polo et en escrime et futur as de l'aviation durant la Grande Guerre, prononce le serment olympique, concocté par Coubertin. Pour faire bonne mesure, le cardinal Mercier, primat de Belgique, prononce une messe inaugurale où il a adjure les participants : "Transportez dans votre vie de tous les jours votre esprit de discipline morale, de loyauté, de mesure envers vos frères".
Les résultats sont à la mesure des préparatifs. Les sportifs belges font merveille. Grâce à Hubert Van Innis, un archer hors pair qui remporte à lui seul six titres, au cycliste Henry George et au champion d'équitation Daniel Bouckaert, ils glanent 36 médailles, dont 14 en or, et se classent au cinquième rang des nations sportives, après les Etats-Unis, la Suède, le Royaume-Uni et la Finlande. Pour un pays qui n'était même pas présent à Athènes, c'était un joli résultat. Malheureusement, il ne devait plus jamais se renouveler. Seule anicroche : le prix des billets d'entrée. Il est si élevé qu'au début des épreuves, seuls 6.000 spectateurs prennent place dans des gradins prévus pour en accueillir 35.000. Quand il apprend ce qu'il en est, le roi Albert Ier, furieux, impose la gratuité, et les jeux deviennent alors un vrai succès populaire. Grâce à cette réussite, Baillet-Latour succèdera à Coubertin à la tête du Comité International Olympique, une fois achevés les seconds jeux de Paris en 1924. Il mourra en 1942, l'année même où naît Jacques Rogge, un autre Belge qui sera président du Comité International Olympique jusqu'en 2013. Anvers aura bien mérité de la Belgique olympique....
Pascal Dayez-Burgeon
3 commentaires:
Fort heureusement aujourd'hui, nous avons encore de très bon athlètes qui participent à ce grand événement mondial. Je te souhaite une très bonne fin de dimanche, amitiés.
Il en reste des souvenirs concrets au Musée de l'Olympisme à Lausanne, qui vaut la visite.
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