jeudi 28 mars 2013

Interview de l'acteur belge Benoît Poelvoorde


Quand je serai petit : photo Benoît Poelvoorde

Le week-end dernier, l'acteur belge Benoît Poelvoorde (né à Namur en 1964) a accordé une longue interview au journal "Le Soir" :

"Comment allez-vous Benoît?
- Quand j'étais scout, j'espérais un totem style "loup agile". On m'a surnommé "ouistiti toboggan" car je faisais le singe et que j'avais des hauts et des bas! Aujourd'hui, on m'associe aux bipolaires. Je ne suis pas bipolaire, je ne suis pas maniacodépressif, je ne suis pas sous lithium. J'ai des hauts et des bas comme tout le monde. Simplement, comme je suis entier et que je fais tout le temps du bruit, çà se voit plus fort. Mais je rassure tout le monde : ma dépression, c'est fini. Je vais très bien, je suis en très bonne santé. J'ai du travail, je m'amuse parfois en travaillant. Je vais aller tourner à Vevey, au bord du lac Leman. Les gens paient pour aller là-bas. Moi, on me paie pour y aller. C'est presque indécent.

- A propos d'indécence, on a beaucoup parlé du salaire des acteurs. Quelle est votre position?
- Je prends de l'argent quand il y en a. Ce serait trop bête de se priver! Je n'en prends pas quand il n'y en a pas. Je ne vais pas saigner. Pour le film "Quand je serai petit" de Jean-Paul Rouve, je voulais le faire gratuitement. La production a refusé. Tu dois prendre un minimum pour qu'ils puissent déclarer quelque chose. Mais si c'est une grosse artillerie, je n'ai pas d'état d'âme. Gros salaire ou petit salaire, cela ne change rien à tes conditions de tournage. Je n'ai jamais fait un film uniquement pour l'argent. Tu n'imagines pas le nombre de films que j'ai refusés où j'aurais pu me faire des couilles en or. Les trucs qui rassemblent les comiques, c'est blindé pognon. Ce sont les télés qui raquent.

- Avez-vous souvent été à l'intéressement?
- Je l'ai fait sur de gros films comme "Astérix", "Rien à déclarer" et "Podium". Parfois, c'est une bonne idée, parfois pas. Sur "Podium", comme les producteurs pensaient que le film ferait 1,5 million maximum, ils m'ont mis à l'intéressement très tôt. Moi, j'y croyais et je me suis mis à l'intéressement sur tout, le film et les produits dérivés. Ca, c'est banco!

- Et l'exil fiscal, est-ce envisageable pour vous?
- Jamais de la vie! En Belgique, on est imposé comme des pétés (2/3 du film part aux impôts) mais je participe à l'effort. Je trouve cela normal. Je ne suis pas là pour juger mais personnellement, je dis non à ce genre d'exil.

- Avez-vous envisagé le cinéma comme une fuite?
- Oui. Je tournais pour ne pas réfléchir. J'ai fait çà longtemps. Comme j'avais quelques ambitions, je tournais pour pouvoir postposer le moment où j'allais être face au fait que je n'arriverais pas à mes ambitions. C'est fini çà! J'ai admis que je n'étais pas à la hauteur. Avant, le cinéma me permettait de dire : "Je ne peux pas, je tourne".

- Quelles étaient vos ambitions?
- J'aurais voulu écrire un chouette truc tout seul : un spectacle ou un film. Je n'y suis jamais arrivé, je suis trop paresseux. A un moment, je me suis rendu compte que çà ne m'intéressait plus car je n'avais rien à dire en fait. C'est dur à admettre. J'ai mis le temps. Au début, je ne me posais pas de questions : je tournais, je gagnais de l'argent. J'ai même fait des films par vanité comme "Astérix". Ce fut un tournage horrible. Quand tu fais des films pour les mauvaises raisons, tu le paies.

- Mais si on regarde vos projets récents, vous vous confrontez à des univers forts?
- Je n'aime pas les mous, j'aime les gens de caractère.

- Vous venez de terminer le film de Fabienne Godet. Début avril, on va vous découvrir dans le film d'Hélène Fillières. C'est souvent les réalisatrices qui vous révèlent le plus intimement?
- Normal : elles sont à la fois ma maman, ma maîtresse, ma soeur, ma copine et mon chef. Elles peuvent prendre la position qu'elles veulent. Un homme peut aussi être dans la séduction mais pas aussi fort qu'une femme. Pour moi, c'est plus facile de donner des trucs intimes à une femme. Quand Benoît Mariage me met dans des situations d'émotion, c'est plutôt en rapport avec une difficulté de vie. Une réalisatrice, elle, va user du relationnel. Mais plus loin que le film d'Hélène Fillières, je ne peux pas aller! Elle m'a mis complètement à terre. Cela m'a pas mal perturbé psychologiquement. Pas pour le sujet, mais pour le rapport qu'elle avait instauré sur le plateau. Après son film, je peux tout faire.

- Donc, vous ne redoutez plus l'abandon devant une caméra?
- Effectivement. Mais je suis pour le lâcher-prise sans penser. Car si je suis dans le contrôle, je me mets à penser et je panique.

- Valérie Lemercier aimerait beaucoup tourner avec vous?
- Je sais, elle m'avait proposé un film sur le roi des Belges. Le scénario n'était pas à la hauteur. De plus, je n'ai pas envie de m'attaquer à la famille royale. Ce serait un séisme à la maison :  ma mère ne me parlerait plus, ne me donnerait plus à manger, ne repasserait plus mes chemises. Quand je ne tourne pas, elle vient nettoyer chez moi le lundi. Et on nettoie ensemble. On est des maniaques de la propreté. Et on se dit plein de trucs : on parle beaucoup détergents...

- Pourquoi n'avez-vous jamais fait de pub?
- J'ai toujours refusé. Si tu as besoin d'argent, je n'ai rien contre. Le jour où vous me verrez faire une pub, c'est que je suis dans le besoin. Mais en soi, je trouve cela débile : ce n'est pas parce qu'un acteur connu vante des pâtes que les gens vont les acheter. On continue à croire que les gens sont stupides. On m'a demandé pour faire de la pub pour des saucissons, des pneus, des cuisinières, du parfum pour wc, une banque, Duvel, etc. Mais jamais Hermès ou Vuitton... Je n'ai jamais eu des trucs classe. Pendant six ans, j'ai fait une voix pour Décathlon. Aujourd'hui, je ne suis plus vraiment l'image du sport. Notez que je n'ai jamais compris pourquoi ils étaient venus vers moi...

- Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous auriez fait de votre vie si vous n'aviez pas été acteur?
- Je me le demande tous les jours. Comme j'essaie de faire autre chose, je me le demande et me dis que je ne sais rien faire d'autre. Depuis des années, je me dis que je vais arrêter, mais pour faire quoi? D'où l'Intime Festival à Namur début septembre. Un festival de rencontres, de lectures, d'écrivains. Il y aura de la musique, de la danse, de la photo. Un patchwork sur l'intime. Namur est une très belle ville avec de très belles librairies et je trouvais qu'il manquait quelque chose. Un jour où je déprimais sur ma vie que je trouvais débile car elle se limitait à attendre dans des loges, Chloé Colpé, une amie, m'a aiguillé vers ce que j'adore : la littérature. Je lui ai répondu que je n'en aurais jamais le courage. Elle a proposé qu'on le fasse ensemble. Là, je suis obligé d'y aller. Mais c'est bien, c'est chez moi. Jamais je ne quitterai Namur. C'est là d'où je viens et c'est là où je suis bien. Ca me coûte d'être loin de chez moi. Quand je vois le clocher de la cathédrale ou la citadelle, je sais que çà va aller mieux. La littérature est le seul espace où je fais confiance à d'autres gens pour me communiquer des émotions que je n'arrive pas à interpréter ou diffuser. Un livre, c'est un partage de l'intime. C'est sacré, c'est universel alors que tu as l'impression que l'auteur s'adresse à toi seul. Le cauchemar de ma vie, c'est de perdre mes lunettes. Dans la vie, je n'ai pas beaucoup de plaisir, à part les livres et les voitures. Les voitures, c'est mon côté gamin. Je ne collectionne pas, je change de bagnole tout le temps. J'aime les voitures qui filent, les Porsche. La dernière était une décapotable rouge vif. J'assume pleinement. Je suis plus souvent chez mon garagiste que chez mon médecin.

- Et le cinéma, c'est...?
- Un travail. Le plaisir se concentre au moment de jouer, quand tu entends action et que tu peux y aller. Plus je vieillis, plus je me mets des trucs difficiles et çà, j'aime bien. Mais ce qui va autour m'emmerde. Et je ne vais jamais voir mes films depuis "Mon pire cauchemar" où je suis resté 7 minutes! Je n'aime pas me regarder. Ca parasite mon action.

- Faire du cinéma fait rêver pas mal de gens. Or vous donnez l'impression que cela ne remplit pas bien une vie?
- En fait, c'est le temps qu'on passe à attendre qui m'énerve. J'aime que çà aille vite. Je devrais faire de la télé. Qu'on me trouve un récurrent! Tranquille. Aucun risque. Pas de promo. Et il y a plus d'inventivité dans les séries télé que dans les films.

- Ecrivez-le!
- Oh non! Je n'ai plus de neurones, j'approche de la cinquantaine. Je me prépare car je n'ai déjà plus tous mes bois, comme dit ma mère. Une nouvelle jeunesse la cinquantaine? Connerie. Mais j'ai toujours eu une tête de vieux. Je n'ai jamais eu le rôle du jeune premier. A 21 ans, je jouais un tueur... Aujourd'hui, le physique est là. Du coup, j'ai encore quelques belles années. Tous les âges valent la peine. Je ne suis pas un nostalgique. Et quand on a un physique difficile, on a des rôles plus intéressants que les bellâtres. Moi, on ne me propose que des chouettes rôles.

- Et le théâtre? Il y avait ce projet en commun avec Dany Boon?
- Je suis Monsieur Projet! Si on réunit toutes mes interviews, la liste des projets est kilométrique. Au moins, j'y crois quand je le dis, mais c'est trop de travail.

- Pourquoi continuer le cinéma?
- C'est de l'inconscience...ou trop de conscience. Je ne vais pas refuser de travailler en période de crise. Je continue par solidarité, je travaille pour aider les autres. Je ne peux pas refuser du boulot quand tout le monde en cherche, ce serait obsène. C'est du pur altruisme. Je pourrais prendre ma retraite mais comment refuser Beauvois, Mariage, Jacquot... Après, j'ai promis - engagement familial - que j'arrête 2-3 ans. Mais c'est un métier de con, acteur. Tu restes assis toute la journée, tu attends dans ta loge avec ton chien. On finit tous acteurs à petit chien. Bouli a un petit chien, j'ai un petit chien. Personnellement, je ne vois rien qui m'enrichit. D'où la lecture. Sur le tournage de Benoît Mariage, j'ai lu une quinzaine de bouquins.

- Mais ce métier vous apporte quand même quelque chose?
- Oui, des rencontres. C'est fascinant un réalisateur qui convainc cent personnes de le suivre. Les acteurs sont aussi fascinants car ce sont des pathologies ambulantes.

- Quelle est votre pathologie?
- Je dois être assez décablé!

- Que faites-vous quand vous avez le moral à zéro?
- J'appelle ma mère. Cela dure une minute et deux secondes, et elle me dit : "Ne te pose pas de questions. De toute façon, tu es le meilleur". Impeccable, je raccroche et j'ai une très bonne journée. Ma mère n'est pas du tout objective. Il y a trois sujets qu'on ne peut pas critiquer pour elle :  la famille royale, Eddy Merckx et moi. Oui, j'arrive en troisième position.

- Vous parlez souvent de retraite. Or, n'est-on pas acteur à vie?
- Si, si. Je suis acteur, il n'y a rien à faire. Je ne sais faire que çà. Je jouerai même ma mort. Au moment fatidique, j'en rajouterai sans doute des caisses".

13 commentaires:

carine-Laure Desguin a dit…

Beaucoup de sincérité dans ces réponses. Un entretien qui met en évidence la personnalité de Poelvoerde. Un type vrai, il ne se cache de rien. Bien!

Youri a dit…

Chouette il va mieux.
Les infirmières du service de psy qu'il bricolait durant ses séjours dans un CHU de la région namuroise doivent pousser un "ouf" de soulagement.
Comme je les comprends !!!!

tanette2 a dit…

Intéressant ! Il paraît sincère, dommage qu'il ne prenne pas à jouer, autant de plaisir que nous, à le voir.

Anonyme a dit…

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Hello et merci à toi Cher Petit Belge de nous parler de benoît Poelvoorde ! j'aime beaucoup cet acteur !!! :o)

GROSSES BISES
et surtout BONNES PÂQUES !!! :o)
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edith a dit…

Merci! Un génie ce Benoît!

Serge l'Optimiste a dit…

Merci, Petit Belge, pour cette connaissance plus approfondie de notre Benoit Poelvoorde, un acteur qu'on aime beaucoup ou qu'on aime moins mais qui ne laisse personne indifférent. Bonne Fêtes de Pâques.Serge

Edmée a dit…

Non, il ne laisse personne indifférent... Il a beaucoup de personnalité, et il plaît...

Verdinha a dit…

J'ai appris un peu plus sur cet acteur que j'aime voir grâce à toi. Merci, Petit Belge !
La seule chose qui me choque un peu, c'est le fait d'"utiliser" sa mère pour faire le ménage et le repassage chez lui. Il n'a pas assez d'argent pour s'offrir une femme-à-journée ? ;)
Joyeuses fêtes de Pâques !
Bisous
Verdinha

Florence a dit…

Dernier Coucou avant ma pause mon cher Petit Belge, pour te souhaiter de Joyeuses Pâques.
Tu sais, je ne suis plus du tout cinéma ni télé, aussi je ne connais pas ce Monsieur.
Gros bisous et à bientôt : vers le 15 avril !
Florence

PHILIPPE a dit…

Bonjour Petit Belge, un acteur qui a déjà une belle carrière et pourtant je n'aime pas tous ses films ! excellente fête de Pâques, amitiés.

Philippe D a dit…

Voilà un type que je ne supporte pas. Il suffit qu'il apparaisse dans un film pour que je ne regarde pas.
Bon dimanche pascal.

thierry a dit…

lui je suis fan je l'adore, tres bel article, bonne fête de Pâques à toi

Unknown a dit…

Un VRAI !