samedi 9 août 2008

Les 15 ans de règne du roi Albert II

Le 9 août 1993, Albert II prête serment au Parlement et devient le sixième roi des Belges. Contrairement à ses prédécesseurs, il règne sur un Etat fédéral, dont il a signé la nouvelle Constitution le 17 février 1994. La fédéralisation de la Belgique et la prise de décisions communes par l'Otan et l'Union européenne diminuent les pouvoirs royaux. Des compétences glissent au fil des ans vers les communautés et les régions, sur lesquelles le souverain n'a plus aucune influence. Ce dernier n'intervient pas non plus dans la composition des gouvernements régionaux. De même, depuis 2002, ce n'est plus le Roi qui signe l'acte de nomination des bourgmestres de nos 589 communes et des gouverneurs de nos dix provinces, mais le ministre régional des Affaires intérieures.

En novembre 2002, le VLD et Ecolo proposent en congrès de diminuer, voire supprimer les pouvoirs du souverain au cours de la législature 2003-2007. Suite aux très nombreuses critiques et au succès populaire des fêtes organisées à l'occasion des dix ans de règne d'Albert II en 2003, ces deux partis font marche arrière et leur proposition ne figure pas dans l'accord de gouvernement Verhofstadt II. De son côté, Ecolo reconnaît que sa prise de position en faveur d'une république est l'une des causes de son échec électoral de 2003.

Malgré sa perte de pouvoirs suite à la fédéralisation, le Roi conserve encore un peu d'influence sur les affaires du pays, comme lors du rachat de la Générale de Banque par Fortis en 1998 ou durant la formation du gouvernement Verhofstadt Ier en 1999. La tradition voulant qu' "on ne dévoile pas la Couronne", il faudra encore de nombreuses années avant que les langues se délient et que certaines archives soient consultables. Les historiens pourront alors juger de l'influence réelle du Roi.

Quel est le rôle du souverain d'une monarchie constitutionnelle dans un Etat fédéral du début du XXIème siècle? Soyons clair : son action ne se traduit pas par la mise en oeuvre d'un pouvoir personnel qui pourrait s'exercer sans l'accord du monde politique. C'est par l'avis, la suggestion, la mise en garde, l'avertissement et l'encouragement lors de ses audiences avec tous ceux qui interviennent dans la vie de l'Etat que le Roi exerce son action. Albert II a très bien compris les limites de son rôle qu'il effectue depuis 1993 avec compétence, sagesse et simplicité. Il n'a commis aucun faux pas politique à ce jour.

Dans son discours de Noël 2001, il déclare que le soutien du "civisme fédéral" est le premier rôle du roi des Belges : "En cette période si propice, je voudrais demander à chacun d'être attentif en permanence à la préoccupation suivante : comment puis-je mieux encore être utile aux autres? Quant à moi, c'est avec cet objectif de service au pays que je poursuivrai ma tâche, dont la priorité est d'encourager son indispensable cohésion. Cette union dans le respect de la diversité est d'ailleurs clairement souhaitée par la très grande majorité des Belges".

Albert II apporte sa contribution personnelle au "civisme fédéral" qu'il prône dans ses discours. Le 9 août 1993, il est le premier monarque belge à prêter serment dans les trois langues du pays (Baudouin ne l'avait pas prononcé en allemand). Le Roi a supprimé l'attribution des titres dynastiques (comte de Flandre, prince de Liège, comte de Hainaut) à des membres de sa famille, afin de ne pas heurter les autres composants de la Belgique. Il continue de recevoir en audience les ministres régionaux et communautaires afin d'être informé de leurs projets. L'entente entre nos communautés est le sujet qui revient le plus régulièrement dans les discours du souverain. Ses critiques en 2006 contre le "séparatisme explicite et feutré" ont cependant déplu à la Flandre et ont plus encouragé les volontés d'autonomie du nord que l'union entre les Belges... Le roi Albert encourage la maîtrise de plusieurs langues étrangères afin d'accroître le dialogue et la compréhension.

Il faut aussi souligner que pour la première fois dans l'histoire de notre dynastie, le couple royal et tous leurs enfants, beaux-enfants et petits-enfants parlent le néerlandais. La famille de la princesse Mathilde est originaire de Poperinge en Flandre occidentale et ses deux oncles ont fait de la politique au sein du CVP. Les enfants des princes héritiers sont scolarisés en néerlandais au collège Sint-Jan Berchmans de Bruxelles. Contrairement à ses prédécesseurs, Albert II a une majorité de Flamands parmi ses proches collaborateurs. Ce sont des réalités que les médias du nord du pays ne soulignent pas souvent...

La lutte contre la traite des êtres humains et la maltraitance des enfants est le second grand combat qu'Albert mène sur le long terme (il en a encore parlé dans son discours du 21 juillet 2008) et qu'il a commencé bien avant l'affaire Dutroux. Les tristes événements d'août 1996 révèlent un souverain actif, engagé et sensible. Le Roi s'impose alors comme le Père de la Nation et dit tout haut ce que les Belges pensent tout bas. Il n'hésite pas à prononcer des discours très critiques envers la justice, la police et le monde politique, sans pour autant se fâcher avec le gouvernement Dehaene II. Il est désormais établi que la reine Paola n'est pas étrangère aux initiatives de son époux. Au cours des mois mouvementés qui suivent l'affaire Dutroux, la monarchie est la seule institution belge à sortir renforcée.

Au fil des ans, Albert poursuit son combat en rencontrant des représentants d'associations et en attirant l'attention des responsables politiques sur ce problème, notamment dans les discours qu'il prononce en 1998 devant le Conseil de l'Europe et en 2001 lors de la réception de Nouvel An organisée pour les autorités du pays. A sa demande, la lutte contre la traite des êtres humains est reprise parmi les 16 priorités du gouvernement Verhofstadt Ier lors de la présidence belge de l'Union Européenne en 2001. De son côté, la reine Paola est une active présidente d'honneur du centre Child Focus et lutte contre la pédophilie et la pédopornographie sur Internet.

Le racisme est un autre sujet qui préoccupe le Roi, qui n'a reçu aucun représentant du Vlaams Belang et du Front National depuis le début de son règne. Suite à la montée de l'extrême-droite un peu partout en Europe, Albert II consacre à ce problème l'intégralité de son intervention télévisée de la fête nationale 2002. Ce discours politiquement fort est unanimement salué par la presse, les analystes et les partis démocratiques. Il sera suivi de visites symboliques dans les quartiers immigrés de Schaerbeek, Saint-Josse et Molenbeek-Saint-Jean. Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a reçu, à plusieurs reprises, le soutien des souverains.

En politique étrangère, Albert II est un Européen convaincu qui soutient toutes les initiatives en faveur de la construction européenne, comme le passage du franc belge à l'euro ou la création d'une future armée commune. Il accorde aussi beaucoup d'importance à nos anciennes colonies d'Afrique centrale et à l'image de la Belgique à l'étranger.

Albert II est bien plus qu'un "roi de transition" et a fait évoluer la monarchie vers plus de modernité et de proximité. Tous les sondages démontrent qu'il est le membre le plus populaire de la famille royale. Le Roi prône une ouverture aux médias belges lors de leurs apparitions publiques : on peut désormais enregistrer leurs conversations lors des visites en province ; les princes et princesses sont autorisés à accorder des interviews et donner des conférences de presse ; les télévisions pourront filmer la quasi-intégralité des fiançailles et du mariage du couple héritier ; la reine Paola répond à des questions de la presse à l'occasion de ses 65 ans et se livre à de nouvelles confidences quatre ans plus tard. Un site Internet (www.monarchie.be) est également créé en 2002. Le poste de Grand Maréchal de la Cour, jugé désuet, est supprimé en 2006. Les émissions télévisées "Place Royale" (RTL-TVI), "Royalty" (VTM) et "C'est du belge" (RTBF) jouent un rôle non négligeable dans cette ouverture de la famille royale et obtiennent, chaque semaine, de très bonnes audiences.

7 commentaires:

Michel Thomas de La Garde a dit…

Je me suis instruit à cet article lumineux, précis et sensible.

Il sera d'une grande aide, notamment à ceux qui observent la Belgique depuis l'étranger, pour comprendre sa réalité, et apprécier son roi et l'unité qu'il incarne.

Vive le Belgique unie !

Youri a dit…

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/438496/la-maison-royale-deux-fois-plus-couteuse.html

La Maison royale deux fois plus coûteuse
Belga

Mis en ligne le 09/08/2008

Le plus important poste de coût est lié à la protection du Roi et des membres de la famille royale.
Le coût global de la Maison royale belge s'élève à 30 millions d'euros, soit plus du double que ce qui avait été jusqu'à présent pris en compte, écrit samedi le journal De Morgen sur base d'une étude du professeur Herman Matthijs (VUB) qui a chiffré les coûts "cachés" de la monarchie.

En sus de la liste civile du Roi Albert et des dotations pour les autres membres de la famille royale (13 millions d'euros au total), au moins 17,5 millions d'euros supplémentaires, repris dans d'autres postes budgétaires, doivent être comptabilisés.

Le plus important poste de coût est lié à la protection du Roi et des membres de la famille royale. Une unité spéciale de la police fédérale, composée d'environ 220 hommes, surveille en effet les résidences et domaines royaux, et veille à la protection de la famille royale au cours de ses déplacements.

Le SPF Intérieur paie à cet égard quelque 14 millions d'euros par an. A cela, s'ajoutent encore une série d'autres coûts engendrés par la royauté et pris en charge par d'autres services publics fédéraux.

Images de Belgique a dit…

Bonjour,
Merci de ton passage sur le blog.
Excellent article sur le Roi Albert II.
Bonne continuation et excellent dimanche
Claude

Daive a dit…

@Youri (ça devient presque une habitude hein :p ): imaginez une république en Belgique. Sachez déjà combien cette crise nous à coûter et combien elle couterait si nous avions un président Open Vld ou Cd&V ? Ce serait autrement pus chèr ... On y ajoute le prix d'une République, d'élections présidentielle,etc ... et je suis sur qu'on arrive au même compte.

Youri a dit…

@ B4E

En effet, nous devenons inséparables.

Mais qui vous a parlé d'une République AVEC les Flamands ?

Il est évident que Francophones et Néerlandophones en République nous feraient une Belgique encore plus difficile à gouverner que dans notre actuelle monarchie chiconnière.

Moi j'ai l'espoir en effet d'une République SANS les Flamands.

Par ailleurs, il est évident que l'élection d'une Présidence de République a aussi un coût. Mais au moins, celui-ci est un juste prix à payer pour assurer une vraie démocratie et une "gouvernance" issue du choix du peuple et non du fait que vous soyez né à Laeken ou non.

Le coût de la Présidence de la République Française est aussi, en chiffres absolus, moindre que le coût du roy de Belgique. La cour belge est aussi beaucoup plus onéreuse que d'autres monarchies européennes.

Edmée De Xhavée a dit…

Je n'ai jamais bien compris pourquoi on reproche à la famille royale ce qu'elle "coûte". Pense-t-on qu'un président et sa suite soit pour rien?

Je préfère une monarchie, sans doute pour commencer parce que je viens d'une famille qui aimait ses rois et reines - eh oui, on avait mêmes des albums remplis de cartes postales sur la famille royale :) - mais aussi parce qu'un roi est formé, préparé depuis son enfance à protéger et aimer son pays. Il a un amour pour son pays. Un président a un ou plusieurs mandats pour "faire impression", pour être inoubliable. Et, s'il n'est pas scrupuleux, se remplir les poches et celles de ses proches.

Je ne dis pas que tous les présidents sont forcément mauvais, ou tous les rois forcément bons. Mais notre famille royale a aussi un grand sens moral, n'en déplaise à ceux qui se repaissent de leurs faux-pas (que celui qui n'a jamais péché, etc...)

Oui, Edmée, elle est aussi royaliste!

Unknown a dit…

A Youri,

Dire qu'une Monarchie n'est pas issue du choix du peuple n'est pas correct. En effet, la Monarchie constitutionnelle Belge a été mise en Place par le Congrès de 1830, autrement dit par les élus du peuple. Cette Monarchie était et est toujours un contract explicite entre le Roi et le Peuple. C'est pourquoi en Belgique, on parle de Roi des Belges et non pas Roi de Belgique. Un Président, par contre, n'est élu que par une partie majoritaire de la population qui a voté et n'est pas neutre. Il défendra évidemment le programme de son parti. Trouvez-vous qu'il est plus légitime qu'un Roi qui, lui, est neutre ? De plus, il n'y a pas encore une majorité en Belgique pour une présidence.
Vous parler aussi de "vrai démocratie" ne pensez-vous pas que nous en sommes loin et que ce n'est certainement pas la faute du Roi ? Qui dirige en Belgique ? Les partis et ce n'est pas moi qui le dit. Ce matin encore, Monsieur Renders a dit "que de toute façon, la réforme de l'état, ce serait les partis qui la vôteraient au Parlement". Sic, vous avez dit Démocratie ?