mardi 19 août 2014

"Une châtelaine dans les tranchées" (F. de Moreau de Villegas de Saint-Pierre)

Née en 1870, Maria de Villegas de Saint-Pierre passe une enfance heureuse au château de Louvignies (province de Hainaut) dont son père est le bourgmestre. En 1892, elle épouse le comte Léopold van den Steen de Jehay, conseiller de légation. Le couple se partage entre leur hôtel particulier à Bruxelles et leur château de Chevetogne (province de Namur). Ils ont un fils unique, Jean. Maria est sociétaire de la Société des Gens de Lettres, écrit différents ouvrages et reçoit en 1913 un prix de l'Académie française. Membre fondateur de l'école d'infirmières Sainte-Camille à Bruxelles, elle multiplie les démarches pour officialiser cette école catholique.


Mais le présent ouvrage rend hommage à son action durant la première guerre mondiale grâce à sa correspondance, ses albums et ses notes manuscrites retrouvés en 2007 dans un coffre à Louvignies. Lors de l'invasion allemande du 4 août 1914, son fils Jean s'engage comme volontaire et Maria transforme son château de Chevetogne en hôpital de la Croix-Rouge qu'elle dirigera jusqu'en novembre. De retour à Bruxelles, elle décide de partir sur le front avec ses infirmières. En 1915, elle devient directrice de l'hôpital Elisabeth de Poperinghe, une commune située sous commandement britannique. Un poste qu'elle occupera pendant plus de trois ans et demi.


Ses écrits nous permettent de nous rendre compte de la vie quotidienne difficile de cet hôpital. Elle confie :   "De toutes nos fibres tendues, nous sommes attachés à ces lamentables épaves. Avec quel cœur, avec quel oubli de soi-même, on tâche de les soulager. Si plus rien ne semble rebutant, dégoûtant ou fatiguant, c'est qu'on agit sans penser, dominé par la nécessité du devoir immédiat et matériel à accomplir. Ecrasé par ce labeur, anéanti de fatigue, on ne songe plus qu'au mobile chrétien et patriotique qui nous a lancé dans cette aventure. L'horreur a aboli la pensée. L'effort, dans sa continuité (à présent que nous sommes ici depuis plusieurs semaines), est devenu un engrenage quotidien, mécanique et tenace :  détruire la maladie, sauver les malades et ne pas flancher!".


Maria utilise son carnet d'adresses pour obtenir de l'argent pour son hôpital qui reçoit notamment la visite des ministres belges de la Guerre Charles de Broqueville, de l'Intérieur Paul Berryer et de la Justice Henry Carton de Wiart, de l'ambassadeur des Etats-Unis en France et de la reine Elisabeth qui la surnomme "le major de Poperinghe". En 1916, elle est atteinte de septicémie et ses jours sont en danger. Mais elle est opérée et sauvée. Maria se rend plusieurs fois sur le dernier lambeau de territoire belge libre, où elle rencontre le couple royal et visite l'hôpital de l'Océan du docteur Lepage (plus d'infos à ce sujet : www.noblesseetroyautes.com/2014/07/lhopital-de-locean-a-la-panne). Le roi Albert Ier lui remet l'Ordre de Léopold en lui disant :   "Je tiens à vous l'épingler moi-même car vous êtes restées quand les autres sont partis".


La vie continue à Poperinghe avec son lot de blessés, de morts et de bombardements jusqu'à la fin de la guerre. Maria participe aux Joyeuses Entrées des souverains dans les villes libérées de Tournai et Bruxelles. Outre l'Ordre de Léopold, elle reçoit diverses décorations (Ordre de l'Empire britannique et Légion d'Honneur notamment) et est nommée citoyenne d'honneur de Poperinghe. Après la guerre, elle a la douleur de voir la santé de son fils unique se dégrader.


En 1937, Maria fait publier "Mon journal d'infirmière" qui relatait les mois d'août à novembre 1914, et avait l'intention d'écrire la suite. Mais elle décède à Bruxelles en 1941 à l'âge de 70 ans en pleine deuxième guerre mondiale. Ses funérailles ont lieu en grande pompe à la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule et un hommage lui est rendu à l'Académie Royale de Littérature.


Dans le cadre du centenaire de la première guerre mondiale, bravo aux éditions Racine (www.racine.be) et à Florence de Moreau de Villegas de Saint-Pierre de rendre hommage à ces gens de l'ombre dans cet ouvrage richement illustré ("ce livre est la petite histoire de la comtesse van den Steen de Jehay dans la grande histoire de la guerre 1914-1918", comme le signale l'avant-propos).

5 commentaires:

Serge a dit…

Intéressante biographie que celle que tu publies aujourd'hui.
Merci de tes visites sur mon blog.
Amitiés. Serge

Anonyme a dit…

❀ ✿ ❁ Merci cher Petit Belge de nous parler ce cette biographie. C'est très intéressant.

GROS BISOUS pour toi d'Asie vers la Belgique
Bonne journée ! :o)

Edmée De Xhavée a dit…

Quelle grande dame! Et il y en eut tellement, de ces gens que l'on croyait oisifs parce que part d'un monde aisé où le plaisir avait sa place, et qui n'ont pas hésité à donner le meilleurs d'eux-mêmes et faire la différence dans la vie des autres...

carine-Laure Desguin a dit…

Il me semblait bien que ce nom ne m'était pas inconnu. Oui, l'école d'infirmière. Une bio très intéressante, merci Petit Belge

Florence a dit…

mon arrière-grand-mère: Clémentine du pays des collines que j'ai déjà évoquée, a soigné les soldats au front, elle fut elle aussi bien brave et courageuse, sa belle-fille, ma grand-mère, a fait de même.
Chose curieuse, ma Clémentine, avait un fils se prénommant Jean. Il s'engagea volontaire à 16 ans et eu une conduite exemplaire. Il devint rapidement officier malgré son jeune âge. Il eu une mort héroïque en 1918, et il n'avait que 20 ans ! Bien-sûr, il eu tous les honneurs, mais il était mort "je meurs pour ma mère et ma patrie" ont rapporté ses camarades...