Michel Quévit a enquêté sur les transferts financiers nord-sud si souvent dénoncés par les nationalistes flamands. En effet, depuis 1965, la région wallonne contribue moins aux recettes de l'Etat belge qu'elle ne reçoit. Cette situation résulte du déclin industriel de la sidérurgie et du charbon. Ces transferts existent aussi dans d'autres pays touchés par le même problème : Madrid et la Catalogne vers l'Extrémadure et la Galice (Espagne) ; l'Ile de France vers le Nord-Pas de Calais et le Limousin (France).
Pendant plus d'un siècle, la sidérurgie wallonne a été un atout pour tout le pays, car jusqu'à la mise en exploitation des charbonnages de Campine en 1926, la Wallonie était la seule à disposer de charbon en Belgique. Pour exporter ce charbon, elle aurait pu tirer profit de sa proximité avec des ports étrangers (Dunkerque pour le Hainaut et Rotterdam pour Liège) mais elle est restée solidaire des projets portuaires de l'Etat belge : Anvers et Zeebrugge.
Plus de 2.000 km de voies navigables (canal Albert, canal de Willebroeck, canal de la Campine, p.ex.) ont été créées à partir d'Anvers vers la Wallonie, la France et l'Allemagne. Dans son étude sur l'histoire économique de la Belgique de 1957 à 1968, le professeur Baudhuin fait remarquer : "Les 10 milliards de dépenses du secteur public (Etat et ville d'Anvers) en faveur de l'infrastructure portuaire d'Anvers ont eu un effet multiplicateur de cinq, générant près de 50 milliards d'investissements privés". C'est le début de l'essor économique de la région anversoise et de la Campine dans l'acier et la sidérurgie, mais aussi dans la pétrochimie, le raffinage et le secteur automobile. De 1959 à 1973, la province d'Anvers comptabilise le plus d'investissements aidés (21%) par rapport à toutes les autres provinces belges. Au cours de la même période, elle reçoit 30% des investissements étrangers effectués en Belgique.
Si l'Etat belge est intervenu à plusieurs reprises pour tenter de sauver la sidérurgie wallonne, il n'a cependant pas négligé le nord du pays. En 1934, le Boerenbond, une caisse rurale de crédit active principalement en Flandre, est en faillite suite à des activités financières risquées, mais il est sauvé par l'Etat belge. L'électrification du réseau ferroviaire belge a débuté en 1935 par la ligne Bruxelles-Malines-Anvers, tandis que les autres lignes ferroviaires seront électrifiées de 1949 à 1956. La première autoroute créée par l'Etat belge sera l'E40 Bruxelles-Ostende en 1956 afin de développer le tourisme à la côte et faciliter l'accès à la mer pour le transport des marchandises. En 1970, le gouvernement donne 115 milliards de FB pour créer le port de Zeebrugge accessible à des navires de 250.000 tonnes, avec un hinterland industriel axé sur les technologies du futur. Sous l'impulsion du ministre limbourgeois Willy Claes, un plan de 210 milliards de FB est lancé de 1982 à 1991 pour améliorer la compétitivité des charbonnages de Campine qui ont cependant ensuite fermé leurs portes.
Michel Quévit pointe la responsabilité des groupes financiers (francophones et flamands) dans les disparités économiques en Belgique. Si ces groupes financiers ont d'abord investi en Wallonie, c'est en raison de la richesse minière et houillère du territoire wallon. S'ils se sont ensuite délocalisés vers la Flandre (notamment lors de la création du complexe sidérurgique de Sidmar), c'est en raison des opportunités nouvelles qu'offraient les infrastructures maritimes et portuaires créées par l'Etat belge.
Et maintenant? D'après les statistiques européennes, l'écart du PIB/hab restait significatif en 2005 entre le nord et le sud du pays : 87,5 pour la Wallonie et 120,1 pour la Flandre (moyenne au sein de l'UE : 100). La Flandre n'est cependant pas reprise dans la liste des 15 régions les plus prospères de l'UE et la Wallonie parmi les 15 régions les plus pauvres de l'UE (qui appartiennent à l'ancienne Europe de l'Est). On remarque aussi que le PIB/hab de la Wallonie est semblable à d'autres régions industrielles comme les Asturies (90,2) ou le Nord-Pas de Calais (88,6).
L'image "bipolaire" des disparités régionales peut être nuancée par une analyse de la Commission Européenne sur la croissance du PIB par province de 1995 à 2004 : Bruxelles, le Brabant flamand et le Brabant wallon atteignent un taux de 3% ; les provinces d'Anvers, Flandre orientale, Flandre occidentale, Limbourg, Namur et Luxembourg ont une croissance qui varie de 2 à 2,7% ; les provinces de Liège et de Hainaut stagnent entre 1 et 2%.
Bravo à Michel Quévit pour cet ouvrage intéressant et bien documenté, mais par souci d'objectivité, il manque un chapitre autocritique sur le manque de vision et les erreurs de gestion des responsables politiques wallons.
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7 commentaires:
Vous oubliez de dire que la thèse principale de Michel Quiévit est de dénoncer le pillage de la Wallonie par la Flandre, et ce dès la création de la Belgique
*** Coucou Vincent ! merci pour ces infos ... nous n'aurons plus d'excuse de ne pas connaître la Belgique grâce à ton blog fort intéressant ! MERCI A TOI !
GROS BISOUS et bon week end !!! ***
Enfin vous citez Michel Quévit...
Comme votre premier intervenant, je pense cependant que vous occultez (de façon consciente ?) le fait que la politique de la Flandre a été de vouloir à tout prix prendre l'hégémonie de ce pays. Le moyen le plus simple de prendre le contrôle du pays était d'asphyxier économiquement la Wallonie et Bruxelles.
Ce qui fut entamé dès après la dernière guerre quand l'état belgo-flamand se révéla.
La Belgique est donc alors devenue castratrice pour la Wallonie. On s'en est vite rendu compte et la Régionalisation a heureusement été mise en oeuvre.
Alors oui, il y eut des erreurs de gestion. Qui n'en fait pas ?? Occulter celles de la Flandre est aussi très habituel.
Et n'est-il pas plus difficile de gérer une région lorsque la misère et le chômage sont présents plutôt que la richesse ???
J'ai bien aimé ton résumé très intéressant, PB, merci pour cette analyse. Je te souhaite une excellente soirée.
Quand on veut noyer son chien on dit qu'il a larage, quand on veut se séparer d'une autre région, on a la mémoire courte. A partir des années soixante, les fonds fédéraux ont surtout bénéficié à la Flandre port de Zeebrugge et teminal gazier, port de Gand, le scandaleux smeerpijp qui a couté des dizaines de millions et n'a jamais été utilisé
voilà bien une belle description du passé pour remettre les pendules à l'heure. Que notre monde politique en prenne de la graine. Bonne journée petit belge ce lundi.
Josiane de Namur
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