lundi 11 juillet 2022

Les 75 ans du cardinal Jozef De Kesel, primat de Belgique

                   


A l'occasion de ses 75 ans, le cardinal Jozef De Kesel (à la tête de l'Eglise de Belgique depuis 7 ans) a répondu aux questions de la presse :

"Vous êtes né en 1947 à Gand. Pouvez-vous nous parler de l'enfant que vous avez été ?
- Je viens d'une famille nombreuse (nous étions onze enfants) et catholique. Assez tôt, j'ai été enfant de choeur et cela me plaisait. A l'adolescence, je me suis engagé dans la Jeunesse Etudiante Catholique (JEC). Dès 14-15 ans, j'y ai reçu des responsabilités. La JEC était alors très liée à la paroisse, je travaillais donc étroitement avec le vicaire. Elle a été un élément-clé dans ma décision d'entrer au séminaire à 18 ans. Une décision qui ne relevait déjà plus de l'évidence :  de ma classe, j'étais le seul à choisir la prêtrise.

- Quelle autre voie auriez-vous pu emprunter ?
- J'aime beaucoup les livres. A Gand, à Bruges et à Malines, j'ai toujours été un bon client des libraires. Si je n'avais pas été prêtre, peut-être aurais-je aimé gérer une librairie ? Cela nécessite de s'intéresser à la littérature, aux dernières sorties, mais cela implique aussi de pouvoir aider les gens. J'aime les librairies où on connaît les clients. C'est un très beau métier.

- Vous entrez au séminaire en 1965 et parallèlement, la sécularisation de la société s'accélère ?
- J'ai encore vécu dans un monde où la question de Dieu ne se posait pas vraiment. Pour les gens, Dieu était de l'ordre de l'évidence. Mais je me souviens qu'au séminaire, à Louvain, les choses changeaient déjà. A l'époque, en quelques années, de nombreux jeunes ont quitté le séminaire. D'autres sont restés et sont même devenus prêtres, mais en prenant leurs distances par rapport à l'Eglise institutionnelle, attendant des changements qui ne venaient pas.

- Depuis 7 ans, vous êtes à la tête de l'archidiocèse et de la Conférence épiscopale de Belgique. De quoi êtes-vous particulièrement heureux ?
- Le cardinal Danneels était un homme doux, spirituel, qui tâchait de concilier. Je ne vais pas me comparer à lui, mais je peux dire qu'il y a, chez moi aussi, ce souci de résister à toute tentative de polarisation. Je pense que c'est là quelque chose qu'on apprécie chez moi. Quand on est berger, on ne doit pas chercher à être apprécié. Mais lorsqu'on se sent porté par les autres, c'est quand même une grâce. Inversement, quand on sent qu'on n'est pas apprécié, c'est difficile. Ce qui se passe aujourd'hui aux Etats-Unis est très grave :  c'est une Eglise qui est divisée jusque dans son épiscopat. Et sur de nombreuses questions, même sur le Pape. En France, c'est moins fort mais il y a une même tendance. La radicalisation est toujours un danger. Elle se situe dans le registre de la violence, en tout cas verbale. Quand j'observe la Conférence épiscopale de Belgique, qui se réunit chaque mois, je suis heureux. Il y a évidemment de la diversité en son sein. Il y a des dossiers sur lesquels on doit vraiment discuter. Mais il n'y a ni vraie tension, ni division idéologique, ni clivage entre nos deux communautés linguistiques. Il est d'ailleurs très rare que l'on doive voter. On cherche plutôt des consensus et si l'on n'y parvient pas, on attend que le dossier mûrisse.

- Un autre de vos héritages sera naturellement votre réflexion sur la sécularisation de notre société.
- J'ai vraiment voulu faire comprendre la situation dans laquelle nous vivons. Ne rêvons pas d'un passé qui n'existe plus et qui n'était pas toujours positif. La situation que nous vivons aujourd'hui peut sembler une épreuve. Mais c'est une situation bien plus normale que celle d'une Eglise hégémonique. Je suis vraiment convaincu que dans notre pastorale, de nombreuses frustrations viennent du fait qu'on ne parvient pas encore à tourner la page. Arrêtons de nous étonner qu'à la messe, tout le monde n'est pas là. La présence de l'Eglise dans notre société n'en dépend pas. Comme le dit le pape François, le problème n'est pas d'être moins nombreux mais d'être insignifiant. Cette phrase me poursuit : que signifions-nous, comme Eglise, pour l'extérieur ?

- Comment voyez-vous l'avenir de l'Eglise de Belgique dans les années qui viennent ?
- A Bruxelles, dès 2005, j'ai lancé la dynamique des unités pastorales. Ce mouvement de rassemblement reste une voie pour l'avenir, notamment pour répondre à la question du financement des cultes. En ce qui concerne les bâtiments, nous avons une responsabilité vis-à-vis des autorités politiques :  s'il n'y a plus que dix personnes le dimanche, c'est fini. Il faut reconnaître la réalité. En même temps, je plaide pour une certaine prudence :  l'église est destinée au culte mais aussi à la prière personnelle. C'est un lieu où chacun, quelles que soient ses convictions, peut trouver le silence, le repos, pour la durée qu'il le souhaite et sans devoir se justifier. Il y a donc un discernement à faire. Mais il est clair qu'on va assister à une accélération, l'Eglise pourra de moins en moins être présente partout. Il faudra plutôt identifier les centres qui témoignent d'une véritable vie chrétienne, notamment dans les villes, et c'est là qu'il faudra investir. Dans les campagnes, nous devrons identifier les lieux où vivent encore des familles chrétiennes. Et les rassembler. Les faits nous contraignent à ces mouvements, mais j'espère que les gens comprendront les raisons de cette évolution et que celle-ci peut être bonne. Ces changements posent des difficultés pratiques mais en soi, ils ne posent pas problème. Bien sûr qu'il faut prier, mais il faut ouvrir les yeux....".


 

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