lundi 13 avril 2015

Amélie Nothomb à l'Académie Royale de Belgique

Le mois dernier, l'auteur belge Amélie Nothomb (48 ans et 23 romans) a été élue membre de l'Académie Royale de Langue et Littérature françaises de Belgique pour "l'importance de l'œuvre, son originalité, sa cohérence et son rayonnement international". Rappelons que cette académie a été fondée en 1920 et siège au palais des Académies à  Bruxelles (entre le palais royal et le Lambermont, résidence officielle du premier ministre). Elle compte 40 fauteuils, dont 26 pour des écrivains et 14 pour des philologues. Amélie Nothomb a été élue au siège de Simon Leys (de son vrai nom Pierre Ryckmans), disparu en août 2014, et fera, selon la tradition, l'éloge de son prédécesseur lors de la séance d'ouverture de l'Académie à l'automne prochain.


C'est l'occasion pour moi de vous proposer de (re)lire quelques comptes-rendus de lecture.


"Les Catilinaires" (Amélie Nothomb)
"Les Catilinaires" est le premier roman d'Amélie Nothomb que j'ai lu et qui m'a fait passer deux heures agréables, sans aucun ennui.


Emile, le narrateur, explique son rêve dans les premières pages :   "J'étais professeur de latin et de grec au lycée. J'aimais ce métier, j'avais de bons contacts avec mes rares élèves. Cependant, j'attendais la retraite comme le mystique attend la mort. Ma comparaison n'est pas gratuite. Juliette et moi avons toujours aspiré à être libérés de ce que les hommes ont fait de la vie. Etude, travail, mondanités même réduites à leur plus simple expression, c'était encore trop pour nous. Notre propre mariage nous a laissé l'impression d'une formalité. Juliette et moi, nous voulions avoir soixante-cinq ans, nous voulions quitter cette perte de temps qu'est le monde. Citadins depuis notre naissance, nous désirions vivre à la campagne, moins par amour de la nature que par besoin de solitude. Un besoin forcené qui s'apparente à la faim, à la soif et au dégoût".


Après avoir déniché la maison de leurs rêves, le couple subit chaque après-midi entre 16h et 18h la visite du voisin antipathique et sans-gêne, qui ne prend aucun plaisir à la vie. Trop bien élevé, Emile accepte cette situation jusqu'au jour où sa colère éclate et il refuse de le laisser entrer. Les mois passent...


Emile ne revoit l'intrus que pour le sauver du suicide. Il comprend ensuite qu'un homme dépourvu du désir de vivre n'a qu'un droit, celui de mourir, et il va s'employer à l'aider. Ce roman alterne humour et réflexions plus profondes. La fin n'est pas prévisible, ce que j'apprécie. Voici le dernier paragraphe du livre :


"Aujourd'hui, il neige, comme il y a un an, lors de notre arrivée ici. Je regarde tomber les flocons "Quand fond la neige, où va le blanc?" demandait Shakespeare. Il me semble qu'il n'y a pas de plus grande question. Ma blancheur a fondu et personne ne s'en est aperçu. Quand je me suis installé à la maison, il y a douze mois, je savais qui j'étais :  un obscur petit professeur de grec et de latin, dont la vie ne laisserait aucune trace. A présent, je regarde la neige. Elle fondra sans laisser de trace, elle aussi. Mais je comprends maintenant qu'elle est un mystère. Je ne sais plus rien de moi".


"Ni d'Eve, ni d'Adam" (Amélie Nothomb)
Dans cet ouvrage autobiographique, elle raconte son idylle en 1989-1990 avec Rinri, un jeune Tokyoïste, à qui elle donnait des cours de français. Amélie nous fait découvrir les us et coutumes du Japon, un pays qu'elle adore et où elle a vécu plusieurs années lorsque son père y était ambassadeur de Belgique. Elle nous parle de ses liens très forts avec sa sœur Juliette et des moments agréables passés avec son petit ami gentil et intéressant.


Cette vie douce et paisible s'interrompt lorsqu'Amélie devient employée dans une compagnie nippone (voir le livre "Stupeur et tremblements") et lorsque Rinri lui propose de l'épouser. Elle ne répond ni oui, ni non :   "Quel soulagement d'avoir trouvé la solution des fiançailles!  C'était une réponse liquide en ceci qu'elle ne résolvait rien et remettait le problème à plus tard".


Il y a aussi le virus de l'écriture :   "Quitter ma bourrelle et bénéficier de l'aisance matérielle, jouir du farniente à perpétuité avec pour seule condition de vivre en compagnie d'un garçon charmant, qui eût hésité?  Moi, sans que je puisse ne l'expliquer, j'attendais autre chose. Je ne savais en quoi elle consisterait, mais j'étais sûre de l'espérer. Un désir est d'autant plus violent qu'on en ignore l'objet. La part consciente de ce rêve était l'écriture qui m'occupait déjà tellement. Certes, je ne m'illusionnais pas au point de croire être publiée un jour, encore moins d'imaginer y trouver un moyen de subsistance. Mais je voulais absurdement tester cette expérience, ne fût-ce que pour n'avoir jamais à regretter de ne pas l'avoir essayée".


En janvier 1991,  Amélie démissionne et quitte le Japon pour rejoindre la Belgique. Elle est sûre de sa décision :   "C'était parce qu'il n'y avait pas de mal en lui que je l'aimais beaucoup. C'était à cause de son étrangeté au mal que je n'avais pas d'amour pour lui".


A Bruxelles, Amélie vit avec sa sœur et écrit son premier roman, "Hygiène de l'assassin". Rinri prend de ses nouvelles :   "Jamais de reproche. Il était gentil. J'avais un peu mauvaise conscience, mais cela passait vite. Peu à peu, les coups de téléphone s'espacèrent jusqu'à cesser. Me fut épargné cet épisode sinistre entre tous, barbare et mensonger, qui s'appelle la rupture".  Les anciens fiancés se revoient en 1996 lors de la promotion d'un roman d'Amélie traduit en japonais. Rinri s'est marié avec une jeune Française.


"Le voyage d'hiver" (Amélie Nothomb)
Agé d'une quarantaine d'années, Zoïle nous explique pourquoi il va détourner un avion de Roissy et le faire s'écraser sur la tour Eiffel. La tour Eiffel est en forme de A comme Astrolabe, la femme dont il est amoureux. Mais Zoïle n'a pu vivre pleinement son histoire d'amour car Astrolabe tient à s'occuper jour et nuit de la romancière autiste Aliénor Molèze dont il n'est pas parvenu à se débarrasser.


Parmi les cinq livres d'Amélie Nothomb que j'ai déjà lus, j'ai adoré les deux romans autobiographiques "Stupeur et tremblements" et "Ni d'Eve, ni d'Adam" qui se déroulent au Japon ; j'ai détesté le glauque "Hygiène de l'assassin" ;  j'ai aimé "Les Catilinaires" et "Le voyage d'hiver" mais ils ne m'ont pas marqué et ne me donnent pas l'envie de les relire.


Et vous?

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne suis pas une inconditionnelle de notre Amélie, j'ai aimé Stupeur et Tremblements et détesté l'hygiène de l'assassin qui, des années après, me donne encore des frissons de dégoût :) ... Je ne trouve pas vraiment on oeuvre cohérente mais certainement importante, oui!

Pâques a dit…

J'ai lu Stupeur et Tremblements ainsi que - Les Catilinaires -
C'est une auteure originale et talentueuse !!!

Youri a dit…

Edmée,
Chère Edmée ....

Rappelez-vous qu'ici on DOIT aimer tout ce qui est belge et ne pas dénigrer SVP.

Philippe D a dit…

Je n'ai toujours lu qu'un livre d'Amélie. Je n'ai pas aimé. Je l'ai donc laissée tomber.
Je renouvellerai l'expérience un jour mais quand?
Les vacances sont maintenant terminées. Courage. D'autres viendront un peu plus tard!
Bon weekend.

Adrienne a dit…

J'aime beaucoup son humour et je la trouve particulièrement intéressante dans ses oeuvres les plus autobiographiques, comme celles que vous citez qui se rapportent à son expérience japonaise; ce qui fait qu'en plus de "Stupeur et tremblements" ou de "Ni d'Eve ni d'Adam", j'ai aussi beaucoup apprécié "La nostalgie heureuse"