Peu connu au sud du pays, Emmanuel Van Lierde (46 ans) est un théologien, philosophe et journaliste belge. Il y a quelques mois, il a pu interviewer le pape François au Vatican pour les hebdomadaires chrétiens "Tertio" et "Dimanche" et pour son livre "Paus Franciscus : de conservateur revolutionnair".
Emmanuel Van Lierde a, à son tour, répondu aux questions de la presse belge :
"Vous avez parlé au Pape en 2016 et fin 2022, et apparemment, cela s'est rapidement réglé à chaque fois?
- Je dois cela principalement à l'ancien évêque de Gand, Luc Van Looy, qui est un bon ami de François depuis bien avant qu'il devienne pape. François a aussi un faible pour la Belgique : il y a séjourné à plusieurs reprises dans les années 1970 et il garde un bon souvenir de notre pays.
- Vous dites dans votre livre qu'il doit même en partie sa position à un Belge, Godfried Danneels ?
- Godfried Danneels faisait partie d'un groupe de cardinaux progressistes (un "club mafieux" comme Godfreid Danneels lui-même l'a un jour qualifié en riant) qui ont certainement soutenu la candidature du pape François en 2013. Il a également réussi à convaincre son ami Mgr Monsengwo du Congo. Et celui qui le convainc a une grande partie de l'Afrique derrière lui.
- Le Pape est âgé de 86 ans. Avez-vous l'impression de parler à un homme très vieux ?
- En esprit, il est encore très brillant. Physiquement, bien sûr, il est vieux. Il se fait pousser dans un fauteuil roulant, mais je ne pense pas que cela le dérange, car cela permet de progresser plus rapidement ! Il travaille énormément. Le matin où je lui ai parlé, il avait six autres réunions à terminer avant midi. C'est un sacré rythme de travail. A cet âge, je me dis que cela doit être difficile. Et pourtant, vous pouvez voir qu'il aime son travail, surtout quand il a l'occasion de rencontrer des gens. Je l'ai également remarqué lors de ces entretiens. Il était très détendu et se comportait très simplement. Pas de protocole non plus.
- Dans votre livre, vous évaluez les 10 ans de papauté de François. Le titre "Le révolutionnaire conservateur" résume immédiatement votre livre ?
- A la maison, François est souvent encadré : par rapport aux deux papes précédents, il est censé être le "bon gars" parce qu'il est plus progressiste. Dans une large mesure, c'est vrai. Il fait souffler un vent nouveau sur le Vatican et sur les questions sociales (migration, pauvreté, inégalité, climat), il est certainement progressiste. Mais sur les questions éthiques comme l'avortement et l'euthanasie, il reste un conservateur. Il a placé de nombreuses femmes à des postes clés au Vatican, mais il n'y a toujours aucun signe d'ordination. Et lorsqu'il mentionne les femmes dans ses discours, c'est presque toujours en tant que mères ou grand-mères. Quand on l'entend parler du diable (ce qu'il fait souvent dans ses sermons), on a parfois l'impression d'entendre un médiéviste.
- En somme, il reste un jésuite d'Amérique latine de 86 ans ?
- Il est un produit de son temps et de sa culture. Dit de manière irrévérencieuse, il est un peu...vieux macho.
- Vous dites que le Pape renonce à la guerre en Ukraine ?
- J'ai eu cette impression très fortement, oui. Il pense que la guerre est vraiment terrible. Il faut savoir que François s'est rendu directement à l'ambassade de Russie le jour où le conflit a éclaté pour exprimer sa désapprobation et proposer ses services de médiateur. Pour un pape, c'est sans précédent. Jusqu'à aujourd'hui, il a continué à essayer de faire quelque chose au sujet du conflit, mais il n'a rien obtenu de plus qu'un échange de 600 soldats ukrainiens et russes. Personne ne veut entendre son message de paix, ce qui le ronge. Bien sûr, le fait que le patriarche de l'Eglise orthodoxe de Russie soit une marionnette de Poutine n'aide pas....
- En Europe occidentale, presque personne ne semble écouter le Pape, mais ce n'est pas le cas dans le reste du monde ?
- En Asie, l'Eglise catholique est en plein essor, même dans des pays laïques comme le Japon et la Corée du Sud. L'Eglise est toujours aussi forte en Afrique et en Amérique latine. Et sa voix est toujours prise au sérieux dans de nombreux pays non chrétiens.
- Vous ne lui avez pas demandé ce qu'il pense de l'attitude progressiste des évêques belges ?
- Comme le disait l'évêque anversois Johan Bonny : "Le Pape est un chef d'Etat, pas un chef de parti. Il doit être au-dessus de l'agitation, unir les différents camps". Le forcer à choisir un camp en public n'aurait pas été juste".
Pour plus d'infos autour de cette dernière question, je vous envoie à ce précédent article : https://journalpetitbelge.blogspot.com/2023/01/johan-bonny-leveque-progressiste-danvers.html
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