lundi 28 avril 2025

Carte blanche du cinéma belge francophone

Depuis la dernière cérémonie Magritte du cinéma, le secteur du cinéma belge francophone a fait l'objet de nombreuses attaques médiatiques, offrant une image particulièrement biaisée de nos films, talents et institutions. A l'heure où des discours simplificateurs voire méprisants sur la culture se multiplient, nous, professionnels de l'audiovisuel belge, issus de tous ses métiers, souhaitons réagir !

Nous sommes profondément alarmés par ces visions tronquées du fonctionnement du cinéma belge, visant toujours les mêmes cibles (Jeanne Brunfaut, le Centre du cinéma et de l'audiovisuel, la Commission Cinéma, Patrick Quinet, les frères Dardenne, le cinéma Palace, les Magritte du cinéma, ...). Or, ces personnes et institutions ont particulièrement oeuvré au développement et à la notoriété de nos films et talents ces dernières décennies, et nous souhaitons, au contraire, souligner l'importance de leur engagement.

Plus largement, ces attaques jettent le discrédit sur un secteur pourtant en plein essor qui a connu de grands succès publics, tant en salles de cinéma qu'en télévision, sur Auvio, et à l'international ces derniers mois. Un exemple éclatant vient encore d'être donné aux Oscars 2025, lors desquels "Flow", une coproduction belge, a remporté l'Oscar du meilleur film d'animation. 

Soutenir pleinement les talents émergents qui se déploient au sortir de nos excellentes écoles et ne cessent, ensuite, de se développer et de se diversifier est en effet devenu une gageure particulièrement complexe pour les 130 membres de la commission, dont le travail sincère et engagé ne répondant à aucune "consigne", consiste à trancher, avec des enveloppes désormais en diminution, entre les dossiers de plus en plus nombreux et de plus en plus qualitatifs sollicitant des soutiens auprès du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel. 

Dans le même temps, le secteur évolue :  nos associations représentatives se concertent pour augmenter le bien-être des équipes, se doter d'outils pour prévenir le harcèlement, encourager la diversité de nos talents, nos histoires et travailler avec les éditeurs de télévision et les plateformes pour toucher plus et mieux les publics. En dix ans, une industrie de la série télévisée belge francophone est sortie de terre. Le secteur s'est fortement ressaisi après la crise du Covid.

Et l'étude Deloitte démontre qu'il utilise remarquablement l'argent public investi, en le convertissant en près de deux fois plus d'emplois que dans les autres secteurs de l'économie (pour 1 million d'euros d'investissements publics, le secteur génère 31 ETP, contre 17 en moyenne dans les autres secteurs) et en transformant chaque euro perçu des pouvoirs publics (incluant les investissements tax shelter) en 4,4 euros de produit brut.

Mais face à cet essor, que constatons-nous ?   Des coupes budgétaires (à la commission du film, à la commission séries, à la RTBF, ....) ;  des plateformes américaines de streaming qui attaquent l'application d'un décret européen (dit SMA) pourtant essentiel pour l'avenir de nos productions belges ;  des discours politiques et médiatiques qui suggèrent, dans la droite ligne des populismes en pleine expansion, que les subsides investis dans la culture le sont à perte (ce qui est factuellement faux, cf. étude Deloitte).

Rappelons au passage que la création audiovisuelle indépendante que nous représentons - et même la culture de manière générale -  coûte très peu à l'Etat  (132 millions d'euros en 2022 pour la production de films, documentaires et séries belges francophones, dont + de 70 % provenant d'entreprises privées, investissant au travers d'un incitant fiscal fédéral, le tax shelter),  face aux, par exemple, 13 milliards d'euros investis la même année par la Belgique dans les subsides aux énergies fossiles.

Aujourd'hui, ce qui nous inquiète, ce ne sont pas les prétendus dysfonctionnements de nos institutions culturelles, mais la démagogie des discours qui les inventent et les exagèrent. Ces discours qui suggèrent que la culture est trop financée, tout en pointant du doigt la domination des productions américaines, comme si celles-ci n'avaient pas bénéficié, depuis l'après-guerre, d'investissements publics massifs qui les ont imposées dans nos imaginaires et notre quotidien, avec un grand risque d'uniformisation.

Carte blanche signée par plus de 1.150 personnalités du cinéma belge, dont Bouli Lanners, les frères Dardenne, François Damiens, Olivier Gourmet, Zidani, Déborah François, Stefan Liberski, Lucas Belvaux, Pablo Andres, Stijn Coninx, Jaco Van Dormael, Guillermo Guiz, Frédéric Fonteyne, etc. 


Aucun commentaire: