"Jacques, est-ce difficile d'écrire ses mémoires ?
- C'est surtout de les publier qui m'a fait hésiter. Je l'ai commencé il y a bien longtemps en pensant à un livre, oui, mais sans savoir si je le publierais jamais. Ce qui m'a convaincu, c'est que je trouve dommage que les générations de mes parents et de mes grands-parents n'aient pas raconté grand-chose de ce qu'ils avaient vécu. Mais à l'époque, on ne disait rien. J'ai donc écrit en pensant encore plus à mes petits-enfants qu'à mes enfants.
- Quel a été votre sentiment en écrivant ?
- Ce qui me frappe, c'est qu'entre la guerre de 1940 et le virus, il y a eu une progression incroyable. J'ai vécu une époque où on écoutait les 78t religieusement et où on saluait le drapeau belge avec déférence. Je ne me prends évidemment pas pour Châteaubriand, mais un éditeur m'a dit de m'en inspirer. Il raconte ses souvenirs à la lumière du moment où il les rédige. Bien sûr, je me suis aussi beaucoup posé la question de l'intérêt de ce que je raconte. J'ai fait confiance à Philippe Geluck qui est mon ami et qui, lui, ose me faire des remarques sur la pertinence de ce que je raconte. Adamo est aussi mon ami, mais lui n'oserait jamais! Ce que je comprends d'ailleurs fort bien. Si lui, il me demandait de juger une de ses chansons, qu'est-ce que je pourrais dire?
- Avez-vous le sentiment d'être arrivé au bon moment ?
- C'est sûr que dans les années 50/60, c'était un autre monde qui se construisait. Il y avait le jazz et puis le rock, mais c'était une vraie révolution que les jeunes d'aujourd'hui vivent peut-être aussi à leur niveau avec leur vocabulaire et leur musique. Mais pour donner un exemple précis, lorsqu'on a eu le premier 33t de Brassens à la maison, ma mère a pris un clou pour griffer la plage du "Gorille". Il était hors de question pour elle qu'on l'écoute!
- Comment expliquez-vous que la radio et la télé vous ont laissé une telle liberté ?
- Si je faisais de l'auto-dénigrement, je dirais que j'ai commencé la radio alors qu'elle avait encore la plus grosse audience, mais que c'était la fin de son âge d'or. De même, à la télé, j'ai fait de grosses émissions de variétés, mais c'étaient aussi les dernières. Et j'ai pu faire "Forts en tête", mais après il n'y a plus rien eu de tel. Sans doute ai-je eu de la chance, mais en même temps, je n'ai jamais rien demandé!
- Il y avait aussi une relation personnelle avec les artistes qui est devenue impossible aujourd'hui, non?
- C'est sûr. Je n'ai pas le souvenir que Claude François ait fait le moindre selfie mais nous, journalistes, on était photographiés avec lui. Julien Clerc, 20 ans après, se souvenait encore du resto où on avait déconné avec des boulettes de pain! Jonasz, Sardou, Dave, Chamfort étaient, eux aussi, frappés par la liberté qu'on avait et ils venaient à Bruxelles comme si c'était une récréation. En même temps, j'avais leur âge, je n'étais pas le vieux journaliste bougon qui venait uniquement sur ordre de son rédac'chef, ce qui existait aussi".
Au début de ce blog, je vous avais aussi parlé de son roman "Un équilibre fragile" que j'avais lu : http://journalpetitbelge.blogspot.com/2007/04/un-quilibre-fragile-jacques-mercier.html
En 2008, je vous avais également parlé de son départ de la RTBF : http://journalpetitbelge.blogspot.com/2008/11/jacques-mercier-quitte-la-rtbf.html
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