dimanche 21 octobre 2012

Interview d'Axelle Red

La semaine dernière, la chanteuse belge Axelle Red a accordé une longue interview à "Paris Match Belgique" :

"Cela fait quinze ans maintenant que vous partez en mission avec Unicef-Belgique. Que ressentez-vous?
- J'essaie de ne pas être blasée. Je refuse de dire que tout est pareil. Je reste curieuse, ce qui me permet de constater les nuances culturelles et historiques. Chaque pays est différent et, en même temps, je ne peux m'empêcher de comparer. Grace à çà, je comprends les choses différemment.

- C'est le cas au Burundi?
- C'est un pays méconnu et pourtant extraordinaire. Il ressemble un peu au Congo parce qu'il est géographiquement tout proche et qu'il a aussi des relations historiques avec la Belgique. En termes de pauvreté, le Burundi me fait également penser au Niger, l'un des pays les moins développés de l'Afrique. Mais il faut se méfier des images toutes faites. Il y a des choses qu'on ne voit pas tout de suite... Je pourrais dire qu'il y a une douceur de vivre ici similaire à celle du Laos. Mais il ne faut pas se fier au sourire des enfants. Quand on va plus loin et qu'on discute avec tel professeur ou tel docteur, on s'en rend compte. La polygamie est forte au Burundi. Résultat : des jeunes filles se rendent à 19 ans chez le médecin pour leur quatrième grossesse. Vous imaginez? L'extrême pauvreté entraîne de nombreux problèmes pour les femmes et les enfants. Les abus sont nombreux.

- Il y a néanmoins du positif : vous avez visité plusieurs projets mis en place par l'Unicef ainsi que des projets burundais?
- Oui, c'est magnifique. Quand on parle pauvreté, on imagine souvent des gens sans dignité. Or, ici, ce n'est pas le cas. Malgré la guerre civile qui les a meurtris pendant dix ans, les Burundais ne sont pas défaitistes. Ils entreprennent et se mobilisent beaucoup dans les villages. J'ai vu des parents qui fabriquaient des briques pour construire une école. Ils en veulent. Du coup, çà motive. Ca me donne de l'énergie pour défendre ce pays et faire sa propagande. Avec l'Unicef, par exemple, nous faisons tout ici pour que les enfants puissent non seulement aller à l'école mais aussi y rester. Il faut savoir que, souvent, leurs parents ont besoin d'aide à la maison et aux champs. Le projet "Ecole, amie des enfants" tient compte de ces réalités. Avec peu de moyens, on offre un enseignement plus efficace. J'en suis fière. Pour donner l'indépendance à un peuple, il faut lui offrir l'éducation. C'est çà qui donnera une nouvelle génération d'universitaires, d'avocats, de médecins, d'ingénieurs. On trouve des richesses dans le sol, mais il faut les cerveaux et les technologies pour les exploiter.

- On imagine que certaines missions sont plus éprouvantes que d'autres. Ca vous fragilise ou çà vous endurcit?
- Disons que je me suis protégée une fois pour toutes. J'ai récemment enregistré un double album en anglais sur les violences sexuelles envers les filles et les femmes. Le maître mot, c'était l'empathie, la compassion. Après, j'ai écrit pendant un an un livre qui m'a permis de trouver toutes les réponses aux questions que je me posais. J'ai remis les choses en place. J'ai mieux compris la vie, ma position dans le monde, mes devoirs et mon droit au bonheur. Ca m'a fait du bien. Mon problème, c'est que je suis toujours très touchée par ce que je vois. Je suis très sensible aux autres. Du coup, çà fait mal. A un moment, je n'arrivais plus à gérer toutes les douleurs que je voyais. J'étais triste parce que je ne pouvais pas me battre davantage. Aujourd'hui, cette frustration n'a pas disparu complètement mais j'ai compris qu'il y a des phases dans la vie où l'on peut faire beaucoup et d'autres où l'on peut faire moins.

- Qu'est-ce qui prédomine chez vous : le côté artiste ou le côté citoyen du monde?
- Cela dépend des périodes. Pendant longtemps, le citoyen du monde a pris le dessus sur l'artiste et tout ce que je faisais en tant que chanteuse servait cette cause. Mais cela ne me rendait pas forcément heureuse parce que j'étais bloquée par ma carrière et mes enfants. J'avais tout çà en moi mais je ne pouvais pas le réaliser à plein temps. J'étais donc malheureuse, en détresse. J'avais l'impression de décevoir, et mon public qui attendait des choses, et mes filles qui voulaient une maman plus présente... Je souffrais d'un sentiment d'échec permanent. Heureusement, j'arrive à le dépasser actuellement.

- C'est l'écriture de votre livre qui a eu un effet thérapeutique?
- Oui mais je ne l'ai pas publié parce qu'il n'était pas prêt. Pendant un an, j'ai écrit comme si je menais des hautes études, comme si je faisais un doctorat. Le souci, c'est qu'il me faudrait une année de plus pour voir ce livre aboutir et qu'il soit intéressant pour les autres. Il est entre la thèse de doctorat et le roman. Dans la vie, on est amené à des choix...

- Le vôtre, c'est la chanson?
- Pas seulement. J'ai aussi choisi d'être la mère de mes enfants. J'ai un couple. Je dois protéger tout çà. A un moment donné, c'était très difficile de vivre à la maison avec moi. J'étais toujours dans mes pensées, absorbée par l'engagement humanitaire qui ne me quittait pas. Là, je dois dire que je suis enfin heureuse. Je viens de finir un album où je me suis permise d'être très romantique.

- Quelles valeurs transmettez-vous à vos filles Janelle, Gloria et Billie? Vous leur racontez vos missions pour l'Unicef Belgique ou vous préférez les protéger de çà?
- Je parle beaucoup avec l'aînée, Janelle, qui a 13 ans et demi. Parfois, je trouve même que je lui en dis trop, parce qu'elle sait beaucoup de choses. Avec les petites de 8 et 9 ans, j'utilise des mots adaptés à leur âge. Je ne veux pas que ce soit trop lourd. J'essaie de leur faire prendre conscience qu'on a beaucoup de chance chez nous car on a de l'eau potable et de la nourriture. Je suis furieuse quand elles gaspillent l'eau ou quand elles ne finissent pas leurs assiettes.

- Quelle mère êtes-vous?
- Parfois, à cause de mon empathie, j'ai l'impression de vivre la vie de mes filles. Tous leurs problèmes à l'école, leurs histoires de copains, leurs craintes, je les fais miens. C'est fatigant. Je suis du style inquiète mais, en même temps, quand la nourriture tombe par terre, on la ramasse et on la mange. On vit dans une ferme, on a des valeurs simples. J'y tiens. Ma fille aînée me dit souvent de la laisser tranquille. Elle veut prendre le tram maintenant. Il le faut mais çà ne m'amuse pas. J'ai peur pour elle. On fait donc du karaté ensemble car je veux qu'elle sache se défendre. On est ceintures vertes!

- C'est difficile de voir ses enfants grandir?
- Ca va. Janelle est chouette. L'an dernier, je la trouvais déraisonnable et puis, cet été, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais elle a complètement changé. Elle est devenue très mature. Du coup, c'est agréable de la voir grandir.

- Votre mari Philippe est de tous vos voyages, toujours très présent et protecteur. C'est davantage votre ange gardien que votre manager?
- Au mois de mars 2012, nous avons fêté nos 25 ans d'amour... On a tout vécu ensemble. Bien avant les missions d'Unicef Belgique, on voyageait sac à dos. On est partis au Vietnam quand on était encore étudiants. Aujourd'hui, c'est mon manager. Il est donc normal qu'il vienne avec moi en mission.

- Si tant est qu'il y a une recette pour faire durer un couple, quelle est la vôtre?
- Le secret, c'est le partage. Je connais des gens qui s'aiment beaucoup au début et qui ne se comprennent plus après parce qu'ils sont chacun dans leur bulle avec leurs soucis personnels. Il faut vivre des choses ensemble pour sentir ce que l'autre ressent. Il faut se battre parce que la société dans laquelle nous vivons est faite pour être individualiste et anti-couple. En tant que femme, on se dit :  "Il faut que je me réalise, que je ne sois pas dépendante de l'autre". Pour qu'un couple fonctionne, il faut bien sûr exister en tant qu'individu, mais il faut aussi pouvoir donner.

- C'est ce que l'amour au long cours vous a appris : à donner?
- A partager, à donner : oui. On est plus fort à deux. Mais il faut prendre le temps pour çà, pour aimer, pour comprendre. Avant, on devait quoi qu'il advienne rester dans un couple. Ce qui n'était pas bon. Aujourd'hui, on vit avec l'idée qu'on peut se séparer tout de suite. C'est aussi mauvais. Je me suis mariée parce que je suis romantique mais quelque part, je trouve le mariage ridicule. Certains font des promesses de bonheur quand ils sont heureux et quand çà va mal, ils les oublient...

- Comment avez-vous fait pour surmonter les crises?
- Je ne suis pas plus maligne que les autres parce que j'ai réussi mon couple. Je crois juste que c'est une question d'alchimie. Avec Philippe, on a la chance de s'être investis tous les deux. Mais il y a eu des moments où je comprenais pourquoi certains se séparaient. Ce n'est pas toujours facile... Ce qui aide, c'est quand il y a des évidences. Je souhaite à tout le monde d'avoir une vie de couple qui soit riche. Ca donne de l'énergie, çà procure tellement de bonheurs.

- A quoi ressemble votre vie à Linkebeek?
- J'ai un travail qui me permet d'être très présente pour mes enfants puisque j'ai un studio d'enregistrement à la maison. Parfois, je voyage aux Etats-Unis pour peaufiner des morceaux. Les tournées, c'est le week-end ou pendant les vacances. En fait, j'essaie d'être là au maximum pour mes proches. C'est important pour moi et, en même temps, c'est gênant. Créer dans le quotidien est difficile... Parfois, je suis jalouse des gens qui n'ont pas d'enfants, pas de couple et qui ont le temps pour créer parce qu'ils sont tout seuls. Moi, quand je suis heureuse d'avoir l'inspiration, je dois m'arrêter pour aller chercher mes filles à l'école!".

6 commentaires:

Florence a dit…

Coucou mon cher Petit Belge !
Je ne connais pas bien Axelle Red aussi, je ne peux rien en dire.
J'ai bien pensé à toi en regardant les photos du mariage au Grand Duché ! Beaucoup d'émotions et de grandeurs d'âme ! Je trouve merveilleux l'accueil des Grands Ducs à cette jeune aristocrate belge, elle est leur fille désormais et c'est très beau !
Ils me plaisent beaucoup les souverains du Luxembourg et ils semblent aussi bons l'un que l'autre !
Comme j'avais envie de modifier mon blog qui ne me convenais plus totalement, et que je n'ai pas réussi à le faire avec OB, j'ai déménagé et ai été m'installer sur Skynet qui lui aussi fait honneur à la Belgique ! Avec le basic, je n'ai pas eu trop de mal à faire ce dont j'avais envie ! Bien sûr, j'ai encore des choses à bien mettre au point, à peaufiner, mais pour le moment je le laisse comme cela car Paul retourne mercredi pour au moins une semaine au CHU pour des examens. Je te laisse mon URL, tu me diras ce que tu penses de la présentation ?
Je t'embrasse bien fort mon cher Petit Belge et te souhaite une bonne semaine ! Paul t'envoie ses remerciements et ses salutations bien amicales !
Florence

Henri Desterbecq a dit…

Une femme formidable, heureux de mieux la connaître par cette interview. Merci pour le partage.
Amitiés. dinosaure80.

Anonyme a dit…

*** Coucou et merci pour ces détails de l'interview d'Axelle Red que j'aime beaucoup !
Je te souhaite une agréable journée
et je t'envoie des BISOUS Cher Petit Belge ! :o) ***

viviane a dit…

J'adore Axelle Red. Je me retrouve beaucoup dans ce qu'elle dit,... En tout cas, elle est formidable,...

jacques robert a dit…

une grande artiste !

Philippe D a dit…

Ni Wallonne ni Flamande. Belge, un point c'est tout!
C'est super, ça!
Bon congé à toi. Je pars lundi matin.
A bientôt.