mardi 24 avril 2012

Pascal Verbeken et Charleroi

Je continue à vous parler des Belges qui dépassent les clichés communautaires et jetent des ponts au-dessus de la frontière linguistique entre le nord et le sud de notre pays. Né à Gand en 1965, Pascal Verbeken est un journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires. Il y a deux ans, je vous avais parlé de lui sur ce blog pour son livre et son documentaire (co-produit par la RTBF et la VRT) intitulés "La terre promise : Flamands en Wallonie". Il s'était intéressé aux imigrés flamands en Wallonie durant la période 1840-1960 (où le sud du pays était en plein essor industriel) et à leurs descendants pour savoir comment ils vivaient cette double culture (originaires de Flandre et installés en Wallonie).

Pour le projet "Citybooks", Pascal Verbeken a à nouveau décidé de passer la frontière linguistique pour mettre à l'honneur Charleroi (province du Hainaut). Il a expliqué son projet au journal "Le Soir" :

"Quels ont été vos premiers contacts avec Charleroi?
- Il y a déjà 15 ans que j'ai découvert Charleroi, mais c'était en circulant sur le ring. Rien qu'en passant, c'était déjà une ville hors du commun! Je n'en connais pas d'autre couronnée de la sorte. Le ring offre des vues et des perspectives très intéressantes. Depuis 10 ans, je viens régulièrement, plusieurs fois par mois. C'est la ville principale de deux de mes livres, la plus grande découverte dans ma vie comme reporter, alors que j'ai réalisé des reportages partout en Europe pendant 25 ans! Il n'y a pas beaucoup de villes avec une telle histoire riche et dramatique, avec des contrastes urbanistiques et sociologiques tellement intéressants. En plus, le Musée de la Photo est mon musée favori en Wallonie.

- Comment décririez-vous Charleroi?
- Charleroi est un peu le miroir de la gloire perdue, mais aussi celui du futur de beaucoup de villes belges. Gand et Anvers commencent à connaître l'évolution que Charleroi a connue dans les années 80. Beaucoup de quartiers font face aux mêmes problèmes. Ils sont devenus des ghettos où presque plus personne ne travaille. Charleroi est aussi une ville qui vous force à dire si vous êtes pour ou contre. Quand on y vient, on y revient, si on l'a trouvée très intéressante, sinon on ne revient plus jamais!

- Vous y sentez-vous "étranger"?
- Pas du tout, parce que Charleroi ressemble un peu au Gand de ma jeunesse. C'est le même décor : les pavés, les murs en béton, les petits jardins avec des légumes au fond. Un décor travailliste avec des maisons en briques rouges.

- Comment avez-vous choisi d'appréhender Charleroi dans le cadre du projet "Citybooks"?
- J'avais depuis des années l'idée de faire quelque chose avec les lavoirs. Ce sont les derniers endroits d'une ville où tout le monde vient, où il n'y a pas de ségrégation. J'ai choisi celui de la rue Dupret qui se trouve à la frontière de plusieurs mondes. Il est fréquenté par des gens très différents qui viennent à pied de la ville basse comme de la ville haute :  des SDF qui y viennent entre 7h et 8h pour se réchauffer, pas pour laver leur linge, des ingénieurs d'Arcelor, des veuves qui habitent les appartements du boulevard Tirou, etc. Dans l'après-midi, c'est le mélange total et en soirée, des gens qui ont travaillé la journée, des camionneurs, des Roumains et des Bulgares qui travaillent sur des chantiers, souvent sous un statut pas très légal, des Carolos de souche, etc. Pendant les 30 minutes d'un lavage, le contact se crée entre les gens. C'est l'essentiel du lavoir : toutes les passions et histoires de vie s'y rencontrent et se mélangent. C'est un réservoir d'histoires, un microcosme qui reflète le grand monde dehors".

Pascal Verbeken présentera en avant-première à Charleroi son projet ce jeudi 26 avril à 19h30 en présence des écrivains belges francophones Caroline Lamarche et Thomas Gunzig (au Musée de la Photographie).

3 commentaires:

Tania a dit…

Je ne connaissais pas ce projet, quelle bonne idée : aller au-delà des clichés sur une ville.
Et le beau Musée de la photographie vaut le voyage, en effet.

carine-Laure Desguin a dit…

J'avais lu dans un quotidien local ce projet. Très original.

Marc a dit…

Hélas, un peu loin de chez moi... Je ne connais pas du tout cette ville, mais si j'ai l'occasion de me rendre en Belgique...