lundi 28 mai 2018

Les propositions de Kristof Calvo

                         

Agé de 31 ans,  le député fédéral Kristof Calvo est une figure montante de la vie politique belge. Fils d'immigrés catalans, il commence à s'intéresser à la politique à l'âge de 11 ans dans sa commune de Willebroek, et envoie des lettres aux ministres du gouvernement belge alors en pleine crise de la dioxine!  Il rejoint le parti écologiste flamand Groen, dont il sera le président national des Jeunes Groen. Sur le plan privé, c'est un fan de football, supporter du KV Mechelen et du Barça. On le décrit comme une personne sérieuse, énergique et impatiente.

En 2010, Kristof Calvo devient député fédéral. Les écologistes (Ecolo au sud et Groen au nord) forment un seul groupe politique à la Chambre, et cela se passe très bien. Le chef de groupe est alternativement soit Jean-Marc Nollet (Ecolo), soit Kristof Calvo (Groen). Ce dernier défend l'unité de notre pays, et a confié :    "Je veux faire de la politique pour les 11 millions de Belges. Dans le cadre de notre collaboration avec Ecolo, je constate que les craintes de Karel et de Charles sont les mêmes. Flamands comme Wallons veulent la même chose :  de l'espoir pour leurs enfants, des trains à l'heure, une fiscalité plus juste,... Le temps où l'on faisait de la politique pour sa propre province est révolu".

Kristof Calvo vient de sortir un livre "Leve Politiek" (Vive la Politique) qui n'est pas passé inaperçu. Il dresse 50 propositions pour un renouveau politique, dont la diminution de nombres de députés (de 427 à 200), le remplacement des six assemblées législatives par un "Parlement National" (40 députés seraient élus dans une circonscription fédérale nationale, et 160 dans des circonscriptions régionales), la re-fédéralisation du commerce extérieur, de l'exportation des armes, du climat, de l'énergie, de la mobilité et de l'environnement, l'autorisation de votes panachés transcendant les listes des partis. 

A l'occasion de la sortie de son livre, Kristof Calvo a répondu aux questions des journaux du groupe Vers l'Avenir : 

"Pourquoi voulez-vous remplacer les six assemblées du pays par un Parlement National?
- Le problème aujourd'hui, c'est que tous les mandats, tous les niveaux de pouvoir travaillent l'un à côté de l'autre, mais ne se parlent pas. Je veux changer cette situation avec ce que j'appelle "le fédéralisme de rencontre" dans un Parlement National, où l'on a aussi des chambres régionales pour les compétences régionales comme l'enseignement et la culture.

- Tout le monde à Bruxelles alors?
- Le plus important pour l'instant, au-delà des détails pratiques, c'est de construire un nouveau modèle, où l'on oblige et facilite le travail ensemble. Aujourd'hui, il y a trop de niveaux et de mandats qui ne se parlent pas, ne construisent pas un projet politique ensemble. Chacun travaille sur son île.

- C'est une attaque du comité de concertation (qui réunit fédéral et entités fédérées)?
- Oui. Le comité de concertation aujourd'hui est plutôt un comité de confrontation. On pourrait le renforcer mais ce n'est pas suffisant à long terme. Car cela reste un modèle à différents niveaux.

- Vous voulez aussi refédéraliser certaines compétences, comme la mobilité, le climat et l'énergie?
- J'y suis favorable depuis longtemps, parce que quatre ministres du climat, cela ne donne pas moins de C02. Je constate que le tabou de la refédéralisation disparaît de plus en plus dans le monde politique flamand. Aujourd'hui, des personnalités de différents partis entrevoient la possiblité de refédéraliser des compétences.

- C'est un constat d'échec de la régionalisation?
- Je ne vais pas parler d'échec parce que dans certains cas, la régionalisation a clairement facilité des évolutions positives. Je ne plaide pas pour refédéraliser l'enseignement ou la culture. Mais je conteste l'idée de devoir tout "splitter". Pour certaines compétences, on peut fonctionner plus efficacement en refédéralisant. 

- Vos propositions vont à l'encontre totale des dernières réformes?
- Oui. Construire un avenir, ce n'est pas recycler l'histoire. Mais je ne propose pas un remake de la Belgique de grand-papa. C'est un nouveau modèle où l'on oblige la rencontre, la coopération. Et pour moi, le renouveau politique passe par moins de mandats et plus de politique. C'est une proposition à long terme évidemment. Mais c'est important d'apporter une vraie alternative au confédéralisme et à l'indépendantisme de la NVA.

- Une tendance grandissante en Flandre?
- Je veux dire à mes amis francophones que la Flandre n'est pas un pays NVA. Il n'y a pas que la NVA en Flandre. En Flandre, il y a un grand soutien pour un vrai Etat fédéral et pour un modèle plus efficace. Et moi, j'essaie de donner une voix politique à ce courant. Parce que je trouve que ces dernières années, la pensée unique des Flamands sur l'institutionnel et le communautaire était trop forte. Les dogmes des nationalistes ont trop influencé les débats institutionnels. Je sais que la NVA n'est pas enthousiaste face à mes propositions, mais c'est plutôt un compliment!

- Le discours de la NVA reste quand même dominant, non?
- Ils crient très fort sur l'institutionnel et sur l'identité. Moi, je suis très optimiste :  les Belges néerlandophones ne sont pas des indépendantistes. Si on est aussi assertif que les nationalistes, je suis sûr qu'on peut gagner ce débat. On ne doit pas se limiter à dire 1% de CO2 en moins ou 2% de taxes sur les plus-values en plus, mais oser construire de grandes idées.

- Des membres de l'Open VLD et du CD&V étaient présents lors de la présentation de votre livre. Y a-t-il des partisans de votre discours dans d'autres partis?
- Il y a plus de respect, d'amitié et de chaleur dans la politique que ce que l'on pense. Et la présence de ces collègues en est un exemple. C'est sûr que je ne sais pas porter ce message tout seul. Mais pas sûr que ces propositions plaisent du côté de la rue de la Loi".

Professeur de sciences politiques à la VUB, Dave Sinardet a commenté la sortie de ce livre :   "Refédéraliser :  c'était un sujet tabou. Par peur d'être un mauvais Flamand ou de passer pour un belgicain. Il y avait une pensée unique autour de la question. Mais les choses évoluent. En 2016, nous avions réalisé une enquête auprès des parlementaires sur le sujet. Là, on avait noté une vraie ouverture mais côté flamand, ils se voulaient discrets. Depuis, le débat est devenu public. De plus, la jeune génération est plus nuancée, décomplexée, n'a pas vécu les grands conflits linguistiques et a d'autres préoccupations. Après six réformes de l'Etat, on se rend compte que ça ne marche pas beaucoup mieux. Ce n'était pas illogique de scinder au départ, mais la réalité est plus complexe. C'est un peu une illusion, un mythe de croire qu'on peut tout faire seul dans son coin. La Belgique est un petit pays où tout est fort entremêlé. Il suffit de prendre la problématique de la mobilité à Bruxelles :  là, tout le monde doit se mettre autour de la table. Est-ce au niveau des parlements que cela doit se faire? Les décisions se prennent au niveau des gouvernements et des partis. Mais en attendant, cette réflexion sur le long terme de Kristof Calvo apporte de la fraîcheur et sort de la politique quotidienne". 

Chef du groupe Ecolo/Groen avec Kristof Calvo, le député francophone Jean-Marc Nollet a également donné son avis :    "C'est un livre personnel qui n'engage ni Groen, ni Ecolo. Mais il a le mérite de forcer les gens à réfléchir. Exemple, quand il évoque une nouvelle fusion des communes pour arriver à la disparition des provinces, cela interpelle beaucoup en Flandre, où elles sont encore vues comme quelque chose de magnifique. Refédéraliser fut un tabou jusqu'il y a peu. Maintenant, l'idée commence à faire son chemin mais là, Kristof met carrément le pied dans la porte. Kristof se définit comme un possibiliste :  à la fois idéaliste et volontariste. Et on connaît son énergie. C'est bienvenu dans une Flandre sclérosée et tétanisée par le dogmatisme de la NVA. Il est quand même nécessaire de se poser la question :   pourquoi en est-on arrivé là? Cela interpelle ceux qui ont le nez dans le guidon en permanence. Que l'on soit d'accord ou pas avec lui, on doit se laisser interpeller par ses idées. Ce livre est là pour provoquer le débat et n'est pas à ranger au fond d'une bibliothèque".

Avis personnel :

D'abord, je trouve bien qu'un jeune élu politique donne son avis et ses propositions personnelles, sans attendre celles dictées par son président de parti. Son attachement à l'unité de notre pays et sa bonne collaboration avec les écologistes francophones me plaisent évidemment, et rejoignent les objectifs du Journal d'un petit Belge. 

Appliquer toutes ses propositions me semble un peu utopique, mais il y a clairement pour moi une priorité sur laquelle beaucoup de Belges pourraient être d'accord :   réfédéraliser les compétences liées au climat, à la mobilité et à l'environnement. Pour un petit territoire comme le nôtre, il est quasiment impossible de mener de grands projets avec plusieurs ministres différents responsables. 

Je ne vais pas faire de guerres de chiffres, mais il est évident qu'il y a trop de députés dans les six assemblées, et qu'on pourrait réduire leur nombre dans chacune d'entre elles (mais je ne crois pas du tout en une volonté du monde politique de supprimer ces assemblées).  Le Parlement National que souhaite Kristof Calvo, il existe déjà sous la forme du Sénat qui a perdu une partie de ses pouvoirs depuis la dernière réforme de l'Etat, mais qu'on pourrait redynamiser (sa présidente Christine Defraigne ne serait sûrement pas contre).  Les sénateurs pourraient être élus via une circonscription électorale nationale, dont j'ai déjà parlé sur ce blog :  
http://journalpetitbelge.blogspot.be/2009/12/une-circonscription-electorale-federale.html

Par contre, je ne suis pas partisan d'une nouvelle fusion des communes, car c'est l'échelon politique le plus proche des citoyens et c'est important de garder cette proximité. 

Et vous, que pensez-vous des idées de Kristof Calvo? 

2 commentaires:

Tania a dit…

Je pense aussi que les Belges néerlandophones ne sont pas en majorité des indépendantistes, pourquoi sont-ils alors si nombreux à voter pour un parti qui l'est ?

Françoise à la Réunion a dit…

Bonjour gentil Belge
La politique et moi çà fait deux. Je découvre ce Monsieur que je ne connaissais pas et tu as fais un article très intéressant. Je suis de tout coeur avec toi et la Belgique après ce terrible attentat, mon Dieu dans quel pauvre monde on vit, personne n'est à l'abri de ces terroristes, c'est horrible !!!!!
Merci pour ton gentil passage.
Belle semaines et bises amicales de la Réunion.