lundi 12 août 2024

Enquête sur l'ouverture de l'Eglise belge aux homosexuels

Par rapport à d'autres pays, l'Eglise de Belgique est clairement parmi les plus progressistes et les plus ouvertes vis-à-vis de la communauté homosexuelle (sous l'impulsion des évêques de Liège et Anvers). L'heure n'est clairement plus aux propos homophobes du controversé Mgr Léonard (chef de l'Eglise belge de 2010 à 2015).  Mais il est sans doute dommage de ne pas avoir plus de concertation entre tous les diocèses qui n'avancent pas au même rythme sur le sujet. 

Fin 2023, le pape François autorise les bénédictions de couples homosexuels (mais pas le mariage)...et rejoint ainsi la position prise depuis quelques années par l'Eglise progressiste de Belgique. Sa visite en septembre 2024 en Belgique est interprétée comme une marque de soutien aux évêques belges. 

Dans le diocèse de Liège

C'est l'évêque de Liège Aloys Jousten qui prend position le premier en 2011 en condamnant les violences homophobes de 2011 dans la Cité Ardente. 

Son successeur Mgr Delville est sur la même longueur d'onde. En 2015, une matinée de réflexion ouverte à tous est, pour la première fois, consacrée à l'homosexualité. Les suggestions sont ensuite étudiées par le Service diocésain des Couples et des Familles. Cela aboutit à la publication en 2021 d'une petite brochure pour accueillir et accompagner le projet de vie des catholiques homosexuels liégeois, sans les juger. Un temps de prière adapté est notamment proposé dans la brochure. Le prêtre ouvrier Germain Dufour ne cache pas à la presse qu'il bénit des couples homosexuels. 

En septembre 2023, le Service des Couples et des Familles du diocèse de Liège organise une matinée de réflexion. Des personnes homosexuelles ont témoigné de leurs difficultés (ou pas) dans l'accueil de leurs différences au sein de la communauté chrétienne. Ainsi que des parents découvrant l'homosexualité de leur enfant. La brochure "Accueillir, accompagner et porter dans la prière le projet de vie partagé par des personnes homosexuelles"  est (re)présentée, le tout étant suivi d'un temps d'échanges et de partages.

Dans le diocèse d'Anvers

Après la tenue d'un synode sur la famille à Rome en 2014, l'évêque d'Anvers Johan Bonny fait des déclarations dans les médias pour souhaiter que l'Eglise se mette en phase avec l'évolution de la société, et accepte l'homosexualité (ce qui lui vaudra ensuite un prix de l'association des organisations LGBT flamandes).

En 2021, alors qu'il assume le remplacement de Jozef De Kesel (en congé de maladie) à la tête de l'Eglise de Belgique, Johan Bonny s'excuse publiquement auprès de la communauté homosexuelle après avoir pris connaissance d'un nouveau texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi considérant l'homosexualité comme un péché. Sa phrase "J'ai honte par procuration pour mon Eglise"  fait le tour des médias.

En 2022, les évêques flamands de Belgique nomment Willy Bombeek (laïc et homosexuel) comme coordinateur interdiocésain en charge de la pastorale des homosexuels, et publient un texte de trois pages avec des prières à destination des croyants homosexuels (vu que l'Eglise refuse de les marier). L'évêque Johan Bonny n'a pas été désavoué par le Vatican. 

En marge de la parade de l'Antwerp Pride en août 2023, un temps de recueillement oecuménique était organisé, pour la première fois, en la Sint-Norbertuskerk d'Anvers par les points de contacts "Foi et homosexualité". Près de 200 personnes ont participé à cette cérémonie alternant chants, moments de silence, témoignages et lecture de la Parole. En fin de célébration, les prêtres et pasteurs présents ont donné une bénédiction.

Willy Bombeek a expliqué à la presse :  "Tout le monde était heureux de ce moment. Ce n'étaient pas les prêtres ou les pasteurs qui dirigeaient la célébration, mais bien les croyants impliqués dans la communauté LGBTQIA+ . Je sais que certaines personnes ne sont pas d'accord avec cette démarche. Je les invite à simplement respecter ceci. Je suis tout prêt à discuter avec elles si elles sont dans le respect. Au-delà, mon but n'est pas de convertir. En revanche, j'aimerais tellement que certaines personnes qui se sont éloignées de l'Eglise puissent à nouveau se rapprocher". 

Dans la pastorale mise en place par les évêques flamands

Willy Bombeek (coordinateur du point de contact Homosexualité et et Foi) confie à la revue "Dimanche" :     "Personnellement, je me dis que si on peut bénir un cartable ou une moto, on doit aussi pouvoir bénir l'engagement d'un couple homosexuel. Après, je ne veux pas entrer dans une discussion théologique. Le texte des évêques est clairement un texte pastoral qui ne change rien à la doctrine. Il ouvre un chemin sur lequel nous devons avancer pas à pas. J'insiste en tout cas sur le fait que je ne veux pas entrer dans des polémiques. Je ne revendique rien. Je veux simplement, dans un esprit de loyauté au pape François, trouver un chemin qui permette aux couples homosexuels qui tiennent à l'Eglise d'y être acceptés. C'est vraiment le principal message que je veux faire passer. Et cela concerne les personnes homosexuelles mais aussi toutes les personnes LBGTQIA+. Personne ne doit se sentir exclu. Quel chef d'Etat répète aussi souvent que le pape François que tout le monde est le bienvenu ? "Todos" a-t-il encore dit aux JMJ de Lisbonne. L'Eglise, ce n'est pas la douane ! J'invite les gens à apprendre à se connaître et à faire preuve de respect. Les problèmes se trouvent souvent dans la tête des gens".

Un tel point de contact n'a pas été mis en place du côté francophone (sauf en province de Liège). 

Dans le diocès de Tournai (province de Hainaut)

Dans la revue mensuelle du diocèse de janvier 2023, l'évêque Guy Harpigny donne son point de vue nuancé :

"Les évêques flamands sont préoccupés de cette question depuis quatre ans. Le cardinal a reçu un groupe de personnes homosexuelles qui sont venues raconter leur désarroi face à l'attitude habituelle de l'Eglise. Mgr Bonny a pris position publiquement et la conférence épiscopale l'a soutenu. Il y a quelques semaines, un texte est sorti en néerlandais. Le porte-parole nommé pour ce sujet a tout de suite parlé d'une bénédiction qui n'était pas un mariage. Ses propos ont tout de suite été amplifiés dans la presse, si bien que le cardinal a dû réagir. L'évêque de Liège (diocèse qui a produit un texte sur le même sujet, soumis à la congrégation pour la doctrine de la foi) était très étonné de ne pas avoir été mis au courant. Le résultat est que désormais chaque évêque belge reçoit tous les documents des deux régimes linguistiques.

La deuxième chose à dire est qu'à chaque fois qu'on prend des positions nouvelles, il faut des justifications. Par rapport à la question de l'homosexualité, il y a du pour et du contre dans l'Ecriture. Quand on regarde à partir des réalités contemporaines, on doit accompagner pastoralement et théologiquement. Que faire ? Faut-il éviter le scandale ou prendre son courage à deux mains et avancer ? Il est évident que la doctrine de l'Eglise est stable, mais aussi qu'elle évolue dans la manière de présenter l'Evangile. Par exemple, à Vatican II, on a décidé que c'est l'évêque le ministre principal, alors qu'avant c'était le prêtre. Maintenant, on dit qu'on a trop donné à l'évêque et qu'il ne peut pas tout faire. On verra comment les choses évoluent.

Le Pape n'interviendra pas vis-à-vis des évêques flamands, car les pasteurs sont responsables de leur Eglise particulière. Mais cette histoire va évidemment influencer le nonce pour choisir l'archevêque et les évêques à remplacer.

Dans le diocèse de Tournai, des prêtres ont déjà fait un moment de prière pour des couples homosexuels et c'est très bien. Le Pape ne dit pas qu'il faut un moment de prière pour les couples homosexuels, mais il ne l'interdit pas non plus. Moi, je pense qu'il y a à apprécier l'évolution des mentalités et à voir ce qui, à un moment donné dans une société donnée, peut être amendé. Nous ne sommes qu'au début d'un long processus. Rappelons que ce n'est pas seulement l'homosexualité qui sort de la doctrine, mais toute relation sexuelle hormis le mariage hétérosexuel avec la volonté d'avoir des enfants. Donc beaucoup de situations qui nécessitent un accompagnement".

Dans le diocèse de Namur (provinces de Namur et Luxembourg)

Rien à signaler à ce sujet...  

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